Revirement de jurisprudence : le dépôt d’une marque n’est pas un acte de contrefaçon

Revirement de jurisprudence en matière de droit des marques : la seule demande d’enregistrement d’un signe, à titre de marque, ne constitue plus un acte de contrefaçon

Dans deux arrêts en date du 13 octobre 2021[1], n°19-20.504, la Cour de cassation rompt avec sa jurisprudence en jugeant que la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon au motif que ladite demande, « même lorsqu’elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, au sens de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), en l’absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe.

De même, en pareil cas, aucun risque de confusion dans l’esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d’indication d’origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire. »

Autrement dit, le seul dépôt d’une marque ne peut plus constituer un acte de contrefaçon de marque.

La Cour de Cassation s’aligne ainsi, enfin, sur la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).

En effet, la CJUE, dans un arrêt du 12 juin 2008[2], avait déjà précisé que le titulaire d’une marque enregistrée ne pouvait interdire à un tiers l’usage d’un signe identique à sa marque que si quatre conditions étaient réunies :

  • Un usage dans la vie des affaires, c’est-à-dire qui « se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant un avantage économique et non dans le domaine privé» (CJCE 12 nov. 2002, no C-206/01, Arsenal Football Club) ;
  • Un usage effectué sans le consentement du titulaire de la marque ;
  • Un usage pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
  • Un usage qui porte atteinte à une des fonctions de la marque, sachant que sa fonction essentielle est de garantir aux consommateurs la provenance du produit/service.

Or, initialement et de façon constante, selon les juridictions nationales françaises le dépôt à titre de marque d’un signe constituait à lui seul un acte de contrefaçon, indépendamment de son exploitation (en ce sens voir par exemple : Cass, com, 26 nov. 2003, n° 01-11.784) et justifiait à lui « seul l’allocation de dommages-intérêts, peu important (…) l’absence d’usage dans la vie des affaires de la marque contrefaisante ».[3]

Dans l’arrêt examiné, la chambre commerciale de la Cour de cassation opère donc un revirement de jurisprudence en s’alignant sur la position de la CJUE et notamment sa décision Daimler en date du 3 mars 2016.[4]

Elle retient que la demande d’enregistrement d’un signe, à titre de marque, ne constitue pas un acte de contrefaçon dans la mesure où elle ne caractérise pas [encore] un usage pour des produits ou des services, en l’absence de tout début de commercialisation, et ne cause aucun risque de confusion dans l’esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d’indication d’origine de la marque.

Ainsi, un demandeur, dans une action contentieuse, ne pourra plus solliciter – ou sera du moins mal fondé – à demander une réparation spécifique en raison du simple dépôt par le défendeur d’une marque qui serait de nature à porter atteinte aux droits afférents à la marque antérieure.

Notre cabinet reste disponible pour toute question et peut vous accompagner sur l’ensemble de vos problématiques en droit des affaires.

 

Morgane LE LUHERNE – Jérémy SIMON 

Avocats

[1] Com. 13 octobre 2021, n°19-20.504 et 19-20.959

[2] CJUE, 12 juin 2008, aff. C-533/06

[3] Com. 21 février 2012, n°11-11.752

[4] CJUE, 3 mars 2016, aff. C-179/15, Daimler AG

Boycott dans le secteur des transports

Plateformes numériques victimes d’entente par boycott dans le secteur des transports

Dans une décision en date du 9 septembre 2021, n°21-D-21, l’Autorité de la Concurrence a sanctionné plusieurs opérateurs économiques du secteur du transport routier de marchandises pour des pratiques de boycott dirigées contre les plateformes numériques d’intermédiation.

Pour rappel, le boycott collectif a été défini par l’Autorité de la Concurrence comme consistant à « s’entendre, sans motif légitime, pour refuser, soit de fournir un client déterminé, soit de s’approvisionner auprès d’un fournisseur déterminé » ( Aut. Conc., déc. n°12-D-19 du 26 septembre 2012) et constitue ainsi une entente anticoncurrentielle par son objet.

La DGCCRF définit également le boycott anticoncurrentiel comme « toute action collective qui vise à refuser de commercialiser ou d’acheter ou d’exercer des pressions en ce sens à l’égard d’une ou plusieurs entités économiques » (pour plus d’information: https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/pratiques-anticoncurrentielles-ententes-anticoncurrentielles-et-boycott-anticoncurrentiel).

Le boycott est donc une action délibérée en vue d’évincer un opérateur économique et ainsi de porter atteinte à la concurrence libre sur le marché. Il peut prendre une forme écrite ou orale, expresse ou tacite et ce, quel que soit l’acteur économique.

En l’espèce, l’Autorité de la Concurrence sanctionne plusieurs acteurs du transport routier de marchandises (bourses de fret, groupements de transporteurs, organisations syndicales) pour avoir participé à une « infraction unique, complexe et continue visant à entraver le développement de nouveaux acteurs du numérique dans le secteur du transport routier de marchandises entre le 29 juillet 2016 et le 28 février 2018. »

Ainsi que le relève l’Autorité de la Concurrence (pt 27) « les plateformes numériques d’intermédiation sont apparues en France, au cours de l’année 2016. Ces plateformes bifaces visent à mettre directement en relation les clients chargeurs avec des transporteurs au travers d’une interface en ligne, en utilisant des méthodes de géolocalisation immédiate. » Ces plateformes permettent d’optimiser considérablement les transports, en réduisant notamment, les retours à vide des camions. Gain de temps, financier mais également à l’impact non négligeable en matière environnementale.

Confrontés à cette concurrence, les opérateurs traditionnels ont alors établi une stratégie commune de blocage visant à limiter le développement de nouvelles plateformes numériques d’intermédiation ainsi qu’à boycotter les logiciels de traçabilité, via notamment, des publications sur internet ou leurs intranets respectifs.

C‘est ainsi que les communications visaient, par exemple, à alerter les adhérents de leurs groupements et syndicats sur les « dangers » allégués résultant de l’utilisation de ces plateformes et logiciels pour la profession et à les appeler à ne pas collaborer avec ces nouveaux acteurs du numérique, en n’hésitant pas à affirmer, par exemple « LA SEULE SOLUTION : NE PAS COLLABORER AVEC CES PLATEFORMES : SANS CAMION ELLES NE PEUVENT RIEN PROPOSER AUX CLIENTS » (pt 658). Le groupement Tred Union étant même allé jusqu’à diffuser une liste des plateformes avec lesquelles ses adhérents avaient interdiction de travailler (pt 412).

Par cette décision, l’Autorité de la Concurrence confirme ainsi la gravité de telles pratiques et la prohibition pour des groupements ou syndicats professionnels de communiquer à leurs adhérents ou de publier sur leur site internet :

  • Une alerte sur les dangers liés à l’utilisation de ces plateformes et logiciels pour la profession ;
  • Un appel à tous les professionnels à ne pas collaborer avec ces plateformes et à « refuser explicitement leurs propositions commerciales » ;
  • La liste des plateformes avec lesquelles les adhérents ont l’interdiction de travailler.

Le montant cumulé des sanctions infligées est de 500 000 €, les sanctions pécuniaires variant de 1.000 € à 350.000 € selon le rôle et les capacités contributives des opérateurs.

L’Autorité de la Concurrence réaffirme, ainsi, son contrôle vis-à-vis de tous les domaines d’activité en considérant que des pratiques anticoncurrentielles ne doivent pas entraver un secteur en profonde mutation liée à l’émergence des nouvelles technologies.

Cette décision rappelle que les situations susceptibles de donner lieu à un boycott prohibé sont très variées :

***

En conclusion, le boycott ou l’appel au boycott sont des pratiques anticoncurrentielles graves qui limitent fortement le jeu de la concurrence et qui constituent des infractions au droit de la concurrence au sens des articles 101 § 1 du TFUE et de l’article L. 420-1 du Code de commerce, dont les sanctions pécuniaires peuvent être lourdes.

Notre cabinet reste disponible pour toute question et peut vous accompagner sur l’ensemble de vos problématiques en droit des affaires.

Jérémy SIMONMorgane LE LUHERNE  – AVOCATS

Département  Contrats – Concurrence – Distribution

 

ACTU KACERTIS

L’équipe de Kacertis Avocats était fièrement représentée, en ce mois de septembre 2021, lors du Triathlon Audencia et de la Leagle Cup, évènements sportifs se déroulant à la Baule.

Trois associés du cabinet ( Anouck Suberbielle, Antoine Thiébaut et Pierre Gauchard) ainsi que Yann Terrien – fondateur de Cours Citron Ecole de Théâtre Nantaise – ont porté haut les couleurs du Barreau de Nantes lors du Triathlon Audencia du 18 et 19 septembre dernier et n’ont pas à rougir de leurs performances tant individuelles que collectives.

L’équipe Kacertis était également représentée, par Morgane Le Luherne, lors de la Leagle Cup qui s’est tenue les 24 et 25 septembre 2021, évènement golfique voyant les avocats et experts-comptables s’affronter à bout de club, en scramble, pendant 18 trous. Une très belle occasion pour chacun de partager la beauté du swing de l’autre ou, au contraire, sa perfectibilité mais surtout, d’échanger entre professionnels du droit et du chiffre.

Kacertis Avocats est un cabinet d’avocats nantais dédié au droit des affaires qui intervient et accompagne ses clients, tant en conseil qu’en contentieux, sur l’ensemble des problématiques que peuvent rencontrer les entreprises et leurs dirigeants, en matière, par exemple, de :

  • transmission d’entreprises, créations et restructurations de sociétés, private equity, opérations de haut de bilan, relations entre associés (dispositions statutaires et pactes, résolution des litiges), etc.
  • rédaction, renouvellement et résolution des litiges en matière de baux commerciaux,
  • contrats, CGV, protection du savoir-faire, des marques, développements logiciels et numériques, des données à caractère personnel etc.
  • relations partenaires, distributeurs, fournisseurs, agents etc.
  • contrats de travail, de relations collectives de travail (télétravail, règlement intérieur, CSE…), suivi au quotidien de la législation, relation employeur/salarié etc.
  • prévention et gestion des entreprises en difficulté (mandat ad hoc, conciliation..), accompagnement dans le cadre des procédures collectives (sauvegarde, redressement, liquidation), présentation d’offre de reprise à la barre, etc.

Toute l’équipe Kacertis se tient à la disposition de ses clients, partenaires et prescripteurs afin de toujours apporter un conseil et un accompagnement sur mesure à haute valeur ajoutée.

contact@kacertis.com

ACTUALITES DROIT SOCIAL

Les jurisprudences récentes en droit du travail et de la sécurité sociale sous forme d’infographie. En quelques lignes, les derniers arrêts marquants sont décryptés pour vous (forfait annuel en jours, CSE, procédure vexatoire, contrôle URSSAF…).

 

Anouck SUBERBIELLE

Avocate Associée 

Arrivée d’Anouck SUBERBIELLE nouvelle associée qui pilotera le pôle Droit Social

Du nouveau chez KACERTIS AVOCATS !

Kacertis Avocats étoffe ses compétences en intégrant désormais un pôle Droit Social.

Le cabinet est ravi d’annoncer l’arrivée d’une nouvelle avocate associée, Anouck Suberbielle pour piloter ce pôle.

Forte de son expérience de 7 ans au sein d’un cabinet de dimension nationale, Anouck est titulaire de la spécialisation en droit du travail. Elle vous accompagnera en conseil et en contentieux avec humanité, agilité et engagement.

N’hésitez pas à la contacter :

@ a.suberbielle@kacertis.com

07.86.35.36.73

Kacertis Avocats en 2021 c’est 5 Avocats associés, 2 avocats collaborateurs, 1 juriste, 1 assistante juridique et 1 avocat partenaire spécialiste en droit public, à votre écoute.

 

 

Cadre juridique et enjeux sociétaux de la notation généralisée – Nantes Digital Week 2020

La guerre des étoiles ou la notation généralisée

Pourquoi notre société est-elle entrée dans l’ère de la notation et de l’évaluation généralisée des biens et services mais également d’autrui ?

Et si notre statut social finissait par dépendre de notre nombre d’étoiles, à l’instar de l’épisode de la série Black Mirror « Nosedive » (Chute Libre) ?

D’où vient cette course folle aux étoiles, cœurs ou likes disséminés non seulement sur l’ensemble des plateformes numériques et marketplace, à des fins commerciales ou professionnelles : TripAdvisor, Uber, Delivroo, Amazon, Médecins, Avocats, Dentistes, Livreurs, Professeurs etc. mais qui s’infiltre également dans notre sphère privée via, notamment, Facebook, Instagram, Linkedin ?

D’autres applications, en particulier aux Etats-Unis, comme Peeple ou Credo 360 permettent, elles, de noter « la fiabilité » d’une personne, ce qui fait sensiblement écho à cet épisode de Black Mirror.

Le besoin de reconnaissance à travers la réputation est-il propre à nos sociétés modernes ou n’est-ce finalement que la machine qui met en lumière un tel besoin humain ?

De nombreuses questions se posent quant à la direction que nous prenons avec ce rating permanent, qu’elles soient d’ordre social, sociétal, voire même philosophe, mais également juridique.

En effet, quels sont les moyens et outils juridiques que nous avons afin d’encadrer les dérives de ces usages et ainsi préserver l’e-réputation de tout un chacun et peut être, aussi, éviter de rogner sur nos libertés ? Sont-ils suffisants ?

La Chine n’a pas hésité, quant à elle, à mettre en place le système de crédit social (SCS) qui consiste en l’attribution d’une note aux citoyens en fonction de leur comportement qui « repose ainsi sur la collecte d’une myriade de données sur les personnes et les entreprises, de leur comportement dans les transports en communs, à leur « moralité » sur les réseaux sociaux, en passant par leur respect du code la route »[1],  ce qui permet, alors, « d’évaluer la « qualité » du citoyen ».

Autant de questions et réflexions que nous aborderons dans la cadre de la Nantes Digital Week, le jeudi 24 septembre 2020, lors d’une table ronde – organisée sous forme de visio-conférence en raison du contexte actuel. Au cours de cette table-ronde Carole Couson Avocate, Morgane Le Luherne Avocate du Cabinet Kacertis Avocats, ainsi que deux sociologues Elvire Bornand et Kevin Mellet, tenteront ainsi d’envisager l’ensemble de ces problématiques et réflexions.

Mémo :

  • Jeudi 24 septembre à 17 heures / Visio- conférence d’ 1h30
  • Lien Zoom : https://us02web.zoom.us/j/81851403927?pwd=NlQ3T3Z2dk1RV2piVWlZR3VHa3c4UT09  – numéro 818 5140 3927

Pour plus d’informations : https://www.nantesdigitalweek.com/evenement-2020/cadre-juridique-et-enjeux-societaux-du-systeme-de-notation-et-e-reputation/

[1] https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouvelles-de-leco/les-nouvelles-de-leco-du-mercredi-09-janvier-2019

Adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises

Crise sanitaire et adaptation des règles en matière de soutien aux entreprises en difficulté

En raison de la crise sanitaire que nous rencontrons actuellement et de la vague de défaillances d’entreprises qui va malheureusement résulter de cette situation, le gouvernement a pris, en application de la loi d’urgence du 23 mars 2020, l’ordonnance n°2020-341 du 27 mars 2020, laquelle vient modifier temporairement certaines règles applicables aux procédures collectives.

Nous faisons ici état des principales dispositions.

I. FIXATION DE LA DATE DE CESSATION DES PAIEMENTS

1. Exposé de la mesure

Lorsqu’une entreprise n’est plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, l’état de cessation des paiements est constaté, son dirigeant est légalement tenu de le déclarer dans un délai de 45 jours et doit solliciter l’ouverture d’une procédure collective.

A défaut pour le dirigeant de s’exécuter dans ce délai, il peut être sanctionné personnellement par le Tribunal de commerce.

L’article 1er de l’ordonnance n°2020-341 vient modifier cette règle :

« I. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée :

L’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020, sans préjudice des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 631-8 du code de commerce, de la possibilité pour le débiteur de demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou le bénéfice d’un rétablissement professionnel, et de la possibilité de fixer, en cas de fraude, une date de cessation de paiements postérieure. (…)» (nous soulignons).

Ainsi et jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, une société confrontée à des difficultés financières, sera considérée comme in bonis alors même qu’elle est en état de cessation des paiements, à la condition qu’elle démontre que cet état n’était pas caractérisé au 12 mars 2020.

Ce dispositif étant toutefois supplétif de volonté, le dirigeant qui le souhaite pourra l’écarter et solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

2. Intérêts de la disposition

Cette modification de la date d’appréciation de l’état de cessation des paiements présente plusieurs intérêts :

i) Elle permettra à un plus grand nombre de sociétés d’avoir recours aux procédures de sauvegarde et de conciliation, dès lors que leurs difficultés résultent directement de la crise actuelle.

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde peut être demandée lorsque l’entreprise, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter.

En application de l’ordonnance du 28 mars 2020, les sociétés dont l’état de cessation des paiements est apparu après le 12 mars 2020, seront éligibles à la procédure de sauvegarde, laquelle exige pourtant, en temps normal, l’absence de cessation des paiements.

La procédure de conciliation, quant à elle, s’adresse aux débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale confrontés à des difficultés juridiques, économiques ou financières, avérée ou prévisibles. L’article L611-4 du Code de commerce précise qu’une demande d’ouverture d’une telle procédure peut être présentée par une société qui ne se trouve pas en état de cessation des paiements depuis plus 45 jours.

Ainsi et désormais, si l’état de cessation des paiements apparaît avant le 12 mars 2020 et que le délai de 45 jours évoqué précédemment expire au cours de la période d’état d’urgence sanitaire, la société en difficulté pourra tout de même solliciter, auprès du Tribunal de commerce compétent, l’ouverture d’une procédure de conciliation. Précisons toutefois que cet assouplissement des délais ne présume pas du succès d’une telle procédure : la procédure de conciliation ne présente pas un caractère contraignant et son issue favorable est subordonnée à la bonne volonté des créanciers sollicités par le conciliateur.

ii) Elle permettra d’éviter des sanctions personnelles au dirigeant de la société débitrice qui aurait tardé à déclarer l’état de cessation des paiements.

II. PROLONGATION DES PROCÉDURES, DES PLANS ET DES DÉLAIS

1. Procédure de conciliation

La procédure ouverte en principe pour 4 mois est prolongée de plein droit de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Un regret existe quant aux mandats ad hoc dont la loi ne prévoit pas la prolongation automatique.

2. Procédure de redressement

La durée de la période d’observation est automatiquement prolongée jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire.

L’audience intermédiaire devant se tenir dans un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure est en conséquence également supprimée pour la même durée.

Cette disposition est compréhensible d’un point de vue pratique, mais source de difficultés quant au suivi de la situation de l’entreprise, en l’absence de rapport de l’administrateur ou du débiteur. En effet, le tribunal a toujours la possibilité d’ordonner la cession partielle ou la liquidation judiciaire, ce qui sera difficile en l’absence de toute information financière.

3. Plans et liquidation judiciaire simplifiée

Les plans, mesures de maintien de l’activité et de liquidation judiciaire simplifiée sont prolongées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire.

Cela permettra notamment d’éviter des résolutions de plan de continuation, étant précisé qu’il est également possible, sans entrer dans les détails, que soient accordés des délais supplémentaires à l’initiative du commissaire à l’exécution du plan et/ou du ministère public.

III. ADAPTATION DE LA PROCÉDURE

Jusqu’à l’issue d’un délai d’un mois après la date de fin de l’urgence sanitaire, la saisine du greffe du tribunal se fait par tous moyens et le dirigeant peut demander à formuler ses prétentions et moyens par écrit, sans être présent à l’audience, qui pourra se tenir par voie de visioconférence, voire par voie téléphonique.

L’ensemble des échanges entre le greffe, l’administrateur, le mandataire judiciaire, les organes de la procédure peut également se faire par tous moyens.

Thomas ZANITTI – Antoine THIEBAUT – Avocats

 

 

EPIDEMIE DE COVID-19 : LE POINT SUR LES PREMIERES MESURES A DISPOSITION DES ENTREPRISES

LE POINT SUR LES PREMIÈRES MESURES A DISPOSITION DES ENTREPRISES

En raison de l’épidémie de COVID-19 et des récentes mesures de confinement adoptées par l’exécutif, les entreprises vont nécessairement être exposées à des risques économiques importants pouvant conduire à leur défaillance.

Pour prévenir au mieux ces éventuelles difficultés, le gouvernent a mis en place une série de dispositifs sociaux, fiscaux et financiers.

Sur le plan fiscal et social, il a été annoncé la mise en place de délais de paiement des échéances sociales et/ou fiscales (URSSAF, impôts) ainsi que le maintien de l’emploi dans les entreprises par le dispositif de chômage partiel simplifié et renforcé.

Vous trouverez ci-après le communiqué de presse conjoint du 13 mars 2020 détaillant les démarches à effectuer selon votre situation :

http://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=4B3AE4BD-E805-40D3-AD87-3BA0C0D2DC61&filename=987%20-%20COMMUNIQUE%20DE%20PRESSE%20Les%20r%C3%A9seaux%20des%20Urssaf%20et%20des%20services%20des%20imp%C3%B4ts%20des%20entreprises%20prennent%20des%20mesures%20exceptionnelles%20pour%20accompagner%20les%20entreprises.pdf

En tout état de cause, les entreprises peuvent demander dès ce jour au service des impôts dont elles dépendent le report sans pénalité des du règlement de leur prochaines échéances d’impôts directs (acompte d’impôt sur les sociétés, taxe sur les salaires, CFE, CVAE).

Dans les situations les plus difficiles, des remises d’impôts directs pourraient être décidées dans le cadre d’un examen individualisé des demandes.

Les travailleurs indépendants peuvent moduler le montant des acomptes de prélèvement à la source. Les contrats de mensualisation pour le paiement de la CFE et de la taxe foncière peuvent être suspendus. La DGFIP a mis en ligne un modèle de demande : https://www.impots.gouv.fr/portail/node/13465

Sur le plan financier, la Banque Publique d’Investissement (BPI) a mis en place les mesures suivantes :

  • octroi de la garantie Bpifrance, pour les prêts de trésorerie accordés par les banques privées françaises aux entreprises affectées par les conséquences du Coronavirus,
  • prolongation des garanties classiques des crédits d’investissement, pour accompagner les réaménagements opérés par les banques, sans frais de gestion,
  • octroi de prêts de 50 000 € à 5 M€ pour les PME, et jusqu’à 30 M€ pour les ETI, sur une durée de 3 à 5 ans, avec un différé d’amortissement.

Depuis le 2 mars dernier, un numéro vert est ouvert : 0 969 370 240.

En outre, un accès dédié a été aménagé :

https://mon.bpifrance.fr/authentication/?TAM_OP=login&ERROR_CODE=0x00000000&URL=%2Fmon-espace%2F#/formulaire/soutienauxentreprises

Par ailleurs, un soutien de l’État et de la banque de France (médiation du crédit) sera possible pour négocier avec sa banque un rééchelonnement des crédits bancaires.

Si les contours de certaines annonces demeurent à définir avec davantage de précision, elles ont été rappelées le 17 mars 2020 par le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno LE MAIRE.

Vous les trouverez ici :

https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=379BB721-EE5E-40D9-B9D8-C4006AA2C111&filename=2074%20-%20Discours%20Bruno%20LE%20MAIRE%20sur%20le%20de%CC%81tail%20des%20mesures%20de%20soutien%20mises%20en%20place%20pour%20les%20entreprises.pdf

Notons déjà :

  • une aide de 1.500 euros à destination des petites entreprises, les indépendants et les microentreprises grâce au fonds de solidarité. A ce stade, deux conditions seraient posées : le fait de connaître des difficultés au cours du mois de mars 2020 et réaliser un chiffre d’affaires annuel inférieur à 1.000.000 d’euros ;
  • la mise en place de référents dédiés au sein de la DIRECCTE (Pays de la Loire : 02.53.46.79.69 / pays-de-la-loire@direccte.gouv.fr) et de la CCI (entreprises-coronavirus@ccifrance.fr / 01.44.45.38.62).

Enfin, et nous restons dans l’attente d’éclaircissements sur ces mesures, il a été annoncé la suspension des factures d’eau, d’électricité et de loyers. Pour l’instant, ces mesures ne concerneraient que les « entreprises les plus impactées » sans plus de précision.

Daisy Martinez – Thomas Zanitti – Antoine Thiébaut 

AVOCATS

Des mesures économiques inédites en réponse à une crise sanitaire inédite

La crise sanitaire actuelle que nous traversons, inédite, tant dans sa forme que dans son ampleur aura des conséquences sur chaque entreprise : pas une n’y échappera.

Outre le bilan humain (que l’on peut aujourd’hui simplement espérer le moins lourd possible), chaque entreprise devra faire face à une baisse de son activité économique.

Face à ce risque bien réel, les pouvoirs publics souhaitent mettre en œuvre des plans de sauvetage de l’activité économique à la mesure du séisme qui se profile.

Car, et c’est là toute la difficulté, il faut dès maintenant préparer le Jour d’après alors que nous ne sommes qu’au début de cette crise sanitaire d’envergure.

Pour ces raisons, des mesures d’urgence sont annoncées depuis le début de cette semaine par le gouvernement.

Le leitmotiv est toujours le même : gérer l’immédiat et atténuer au maximum les conséquences du brusque arrêt de l’économie d’une part, et, d’autre part, donner aux acteurs économiques les outils ad hoc pour redémarrer d’ici au mieux quelques semaines sinon quelques mois.

Gérald DARMANIN, ministre de l’Action et des Comptes publics, déclare au journal LES ECHOS que « quand la maison brûle, on ne compte pas les litres d’eau pour éteindre l’incendie ».

D’ores et déjà, un plan de soutien économique de 45 milliards d’euros est annoncé. Ce plan mélange des mesures de trésoreries et des mesures budgétaires.

Aux côtés de ces mesures continueront de s’appliquer les solutions plus traditionnelles des entreprises en difficultés : mandat ad hoc, conciliation, procédures collectives…

Mais là encore, face au nombre de dossiers à traiter et aux contraintes sanitaires (juridictions fermées par principe au public par exemple), les procédures seront adaptées. Les Tribunaux de commerce réfléchissent à de nouvelles méthodes pour accompagner les dirigeants en difficulté sans se rendre physiquement au tribunal. Une signature numérique devrait voir le jour pour les ordonnances de mandat ad hoc et conciliation. Les délais de procédure seront certainement aménagés.

Toutefois, par-delà les annonces, il nous faut attendre encore un peu pour connaitre les modalités précises de certains dispositifs annoncés.

Nous les détaillerons au fur et à mesure de leur parution.