Opportunisme commercial : l’exemple de l’ambush marketing

A l’heure de la Coupe du monde de football au Qatar, il peut être tentant pour les marques et annonceurs de profiter de la visibilité médiatique de l’évènement sans trop se ruiner.

Cette technique promotionnelle dite de marketing d’embuscade ou « ambush marketing » a toutefois des limites juridiques.

Une stratégie publicitaire sanctionnable

Principalement constaté lors d’évènements sportifs majeurs, le marketing d’embuscade est une « stratégie publicitaire mise en place par une entreprise afin d’associer son image commerciale à celle d’un évènement et donc de profiter de l’impact médiatique dudit évènement sans s’acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’organisateur de l’évènement ».[1]

En d’autres termes, il s’agit pour une société de se rendre visible du public lors d’un évènement sportif ou culturel, afin d’y associer son image ou ses produits tout en évitant d’être sponsor officiel et d’en payer le prix.

Cette association à un évènement majeur, sans autorisation de l’organisateur, déjoue donc l’intérêt du parrainage. L’organisateur qui engage de lourds investissements peut souffrir d’un manque à gagner, les sponsors officiels quant à eux, comptant sur l’exclusivité accordée aux fins de leur assurer des retombées en termes de notoriété et de ventes, peuvent se voir voler la vedette.

Une embuscade protéiforme

Le marketing d’embuscade peut prendre plusieurs formes : achat de panneaux publicitaires aux abords des stades, organisation de concours ou campagne de communication sur les réseaux sociaux associant slogans, ou visuels relatifs à l’évènement. Certains se souviendront peut-être, lors du dernier Euro en 2021, de la campagne d’affichage de la marque Loué utilisant un sosie de Didier Deschamps, énonçant « Didier éleveur de poulets des champs » « Faites-moi trembler ces filets ».

Parfois les marques usent de stratagèmes difficilement anticipables par les organisateurs. Ainsi, lors du Mondial 2010, ce sont des supportrices des Pays-Bas qui arborent dans les gradins des tenues aux couleurs (orange) du brasseur néerlandais Bavaria, captées par les caméras lors de la retransmission du match, au détriment de la marque de bière Budweiser sponsor officiel de la compétition.

Aujourd’hui, ce sont également des communications qui se placent en opposition aux valeurs véhiculées par l’évènement, telle la campagne d’affichage du brasseur écossais BrewDog se déclarant « Proud Anti-Sponsor » du Mondial du Qatar.

Pour autant, faire référence à un fait médiatique d’actualité connu de tous n’est pas, en tant que tel, illicite. Les juridictions vont, en particulier, chercher un équilibre entre les intérêts économiques des acteurs de l’évènement et la liberté d’expression des annonceurs.

À titre d’exemple, s’agissant de la publicité du constructeur Fiat durant le Tournoi des 6 Nations de 2008 : « France 13 Angleterre 24, La Fiat 500 félicite l’Angleterre pour sa victoire et donne rendez-vous à l’équipe de France le 9 mars pour France-Italie » puis « Italie 500 », il a été jugé que ce message se bornait « à reproduire un résultat sportif d’actualité, acquis et rendu public (…) et à faire état d’une rencontre future également connue (…) » ; sans pouvoir être regardée « comme la captation injustifiée d’un flux économique résultant d’événements sportifs (…) »[2].

Comment lutter contre ces pratiques ?

En droit français, les organisateurs ou sponsors officiels peuvent tenter de fonder une action en concurrence déloyale ou parasitisme, ce dernier étant précisément défini par la jurisprudence comme l’ensemble des comportements par lesquels un opérateur économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété ou des investissements consentis.[3]

Les droits privatifs peuvent également fournir une protection appropriée aux organisateurs d’évènements sportifs.

En ce sens, d’une part, le droit des marques et l’action en contrefaçon permettent de lutter contre la reproduction ou l’exploitation des marques valablement enregistrées par les opérateurs et donc par ricochet de protéger leur exploitation économique des manifestations sportives.

D’autre part, des dispositions légales spécifiques, telles que l’article L. 141-5 du Code du sport, protègent le CNOSF[4] et l’ensemble des emblèmes olympiques nationaux (marques, symboles, hymne, logo etc.)

En France, les organisateurs de manifestions sportives (fédérations ou organisateurs privés) disposent en outre d’un droit de propriété spécifique, leur conférant un monopole d’exploitation des manifestations qu’ils organisent[5].

Enfin, des législations ad hoc sont souvent adoptées par l’Etat organisateur d’un événement sportif majeur. A titre d’exemple la FIFA World Cup Law du Qatar[6] prévoit un certain nombre de mesures pour empêcher les tentatives d’ambush marketing, en particulier aux abords des terrains.

Reste qu’il n’en demeure pas moins, qu’une fois établi un véritable abus de la part de l’ambusher, le préjudice des victimes est parfois difficilement quantifiable car il est délicat de mesurer réellement l’impact économique et médiatique du comportement du fautif et notamment la preuve du détournement des investissements d’autrui.

Il ne serait toutefois pas étonnant que ce type de contentieux trouve de nouvelles illustrations dans les mois à venir à la suite de l’organisation de cette nouvelle coupe du monde, terreau favorable à l’ambush marketing.

Jérémy SIMON – Morgane LE LUHERNE – AVOCATS KACERTIS AVOCATS

Article publié dans l’Informateur Judiciaire n°7215 – 9 décembre 2022

[1] CA Paris, 8 juin 2018, n°17/12912

[2] Cass. Com., 20 mai 2014, 13-12.102

[3] Cass. Com., 10 juillet 2018 n°16-23.794

[4] Comité National Olympique et Sportif Français

[5] Article L. 333-1 du Code du Sport

[6] Qatar Law No. (10) for the year 2021 on Measures for hosting the FIFA World Cup Qatar 2022

Salon de la DATA 15 Décembre 2020

Pour la quatrième année consécutive, Stéphane BAÏKOFF interviendra au Salon de la Data, formule 100% digitale, le 15 décembre 2020

Elle animera à 9h une conférence dont le thème est « Une base de données est un oignon juridique : comment l’éplucher sans pleurer ? »

Les bases de données sont composées de plusieurs « couches » juridiques, chacune avec un régime propre dont il faut savoir tenir compte pour les protéger, les exploiter, les distribuer etc.

Il s’agit en effet d’objets juridiques complexes pouvant mêler des problématiques liées aux droits d’auteur et logiciels, droits des producteurs de bases de données, réglementation en matière de données personnelles (RGPD & e-privacy) etc.

Une approche concrète et transverse de ces différents thèmes afin de vous aider à comprendre les enjeux et limiter les risques juridiques en lien avec l’exploitation des bases de données.

Les inscriptions se font en ligne.

Débute le 15 décembre à 09 h 00

Termine le 15 décembre à 10 h 00

WEB2DAY 2019 : Prospection commerciale et Consentement

A l’occasion du Web2day 2019 de Nantes, Stéphane Baïkoff aura le plaisir d’animer une conférence sur le thème des données personnelles en matière de prospection commerciale.

« Prospection et Consentement : oui, non, noui, ouon ?! »

Cette présentation sera l’occasion de tordre le cou à certaines idées reçues susceptibles de nuire au développement de votre activité … Alors Non, le recueil du consentement n’est pas toujours obligatoire en matière de prospection ! Et Oui, il est temps de faire un point clair, pratique et synthétique sur ce qu’il est possible de faire en B2B, et B2C, et les conditions dans lesquelles le consentement doit être recueilli. Oui ou Non ?

Rendez-vous le 7 juin 2019 – 10h25 Salle Accenture (accès à la billetterie : https://web2day.co/billetterie/)

Marque NEYMAR et confirmation de la nullité de l’enregistrement par un tiers

Morgane Le Luherne - Avocat Nantes

Déposer une marque implique de ne pas agir de mauvaise foi.

Le 17 décembre 2012 un résidant portugais demande auprès de l’EUIPO (l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle) d’enregistrer la marque « NEYMAR » en particulier, pour des vêtements. La marque est enregistrée en avril 2013. Après avoir eu connaissance de cet enregistrement, Neymar Junior demande, auprès de l’EUIPO, la nullité de cet enregistrement en février 2016, laquelle est accueillie.

Le déposant portugais introduit alors un recours en annulation, contre cette décision de l’EUIPO, devant le Tribunal de l’Union Européenne.

Par son arrêt du 14 mai 2019[1], le Tribunal confirme cette annulation au motif que le déposant a agi de mauvaise foi[2], cette notion se rapportant à « une motivation subjective de la personne présentant une demande d’enregistrement de marque, à savoir une intention malhonnête ou un autre motif dommageable. Elle implique un comportement s’écartant des principes reconnus comme étant ceux entourant un comportement éthique ou des usages honnêtes en matière industrielles ou commerciale. »[3]

En effet, le déposant portugais soutenait qu’à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque, il ignorait que Neymar Junior était « une étoile montante du football dont le talent était internationalement reconnu » (Rappelons qu’à cette date Neymar jouait au Brésil et arrivera en Europe avec son transfert au FC Barcelone en 2013). Le Tribunal, afin de rejeter cet argument,  relève – de la même manière que l’EUIPO – que les éléments produits démontraient que Neymar était déjà connu en Europe à la date de la demande d’enregistrement de la marque.

La mauvaise foi était d’autant plus caractérisée que le déposant portugais avait déposé, le même jour, une demande d’enregistrement de la marque « IKER CASILLAS ». Manifestement le déposant n’avait pas qu’une connaissance limitée du football. La tentative de ce dernier de faire valoir qu’il avait choisi le signe « NEYMAR » en raison de la phonétique du mot et non pour faire référence au footballeur semblait bien vaine.

Le Tribunal écarte donc l’argument selon lequel ce choix aurait découlé d’une simple coïncidence.

Cet arrêt est aussi l’occasion de rappeler que l’enregistrement d’un signe en tant que marque, auprès d’un organisme de propriété intellectuelle (EUIPO, INPI, OMPI), et l’obtention d’un certificat d’enregistrement n’ont pas pour conséquence de faire acquérir au signe les caractéristiques de validité d’une marque.

Ce n’est pas parce qu’une marque est déposée et enregistrée qu’elle est pour autant valable et protégeable. La marque doit, en effet, pour être valable, être distinctive, disponible licite et non déceptive.

Le Cabinet peut vous accompagner dans le cadre de vos besoins en matière de propriété intellectuelle.

 

[1] Affaire Moreira T-.795/17 du 14 mai 2019

[2] Article 52 §1 sous b) du règlement européen n°207/2009, abrogé et remplacé par le Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne

[3] T-795/17, §23

Brève : Droit des marques

Quand le référencement d’un modèle de canapés devient une contrefaçon de marque.

L’utilisation du terme « Karawan » par la société Roche Bobois pour désigner une gamme de canapés, sur les présentoirs, catalogues diffusés auprès du public ainsi que sur Google, ne permettait pas d’assurer un simple référencement mais bien de distinguer et d’individualiser les produits Roche Bobois auprès du consommateur. La Cour de Cassation a ainsi approuvé la Cour d’appel[1]d’avoir condamné Roche Bobois pour contrefaçon de la marque « Caravane » détenue par la société Caravane.

Cass.com 23 janvier 2019, n°17.18.693

[1] CA Paris 24 mars 2017, n°16/04919

Droit Voisin : Presse vs/ GAFA

Cabinet Avocats Nantes Kacertis Avocats

Le Parlement Européen lors de sa séance plénière du mercredi 12 septembre dernier a adopté la réforme européenne en matière de droit d’auteur[1].

La Directive prévoit, notamment :

  • L’instauration d’un droit voisin pour les éditeurs de presse. L’article 11 vise à créer un nouveau droit voisin ce, afin de permettre aux journaux, agences, éditeurs de se faire rémunérer lorsque, typiquement, Google publie leurs contenus en ligne.

« De nos jours, les grandes plateformes utilisent des contenus de presse, gagnent beaucoup d’argent grâce à cela et les éditeurs ne touchent rien. L’Article 11 donne aux éditeurs de presse un droit de possession, de manière à ce qu’ils puissent réclamer une rémunération aux plateformes qui utilisent leurs contenus. Les liens hypertexte et les copies privées ne sont pas couverts par l’article 11 et peuvent être utilisés par toutes les plateformes, dont Wikipedia par exemple. » [2]

  • Une meilleure rétribution des créateurs de contenus. L’article 13 doit inciter certaines plateformes web comme YouTube à accorder une meilleure rétribution des créateurs de contenus, en négociant des accords avec les titulaires des droits. A défaut d’accord, les plateformes auront pour obligation d’empêcher leurs utilisateurs de publier des contenus protégés par le droit d’auteur.

Si le Directive doit faire l’objet d’un vote final début 2019 après négociations entre le Parlement, la Conseil et la Commission, il semble toutefois probable que ce vote ne soit qu’une formalité. Il appartiendra par la suite à chaque Etat Membre de transposer la Directive dans son droit national.

[1] http://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20180906IPR12103/droit-d-auteur-a-l-ere-numerique-le-parlement-adopte-sa-position

[2] Rapporteur Axel Voss http://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20180628STO06869/droit-d-auteur-nous-voulons-proteger-et-renforcer-les-droits-des-creatifs

Casse-Croûte #Juridique – Communication Digitale – 5 avril 2018

Cabinet Avocats Nantes Kacertis Avocats

Morgane LE LUHERNE, avocate associée, interviendra avec Doriana CHAUVET avocate au Barreau de Nantes et l’agence nantaise Intuiti sur le thème de la communication digitale.

Cet évènement, organisé par le Barreau de Nantes à la Maison de l’Avocat, sera l’occasion d’envisager les aspects juridiques de la communication digitale sous l’angle métier de la stratégie client.

Inscriptions : http://cassecroutejuridique.gipco-adns.com/

Au plaisir de vous y retrouver.

Application mobile ressemblante : condamnation de l’éditeur

Application mobile – Droit d’auteur – Concurrence déloyale

Par une décision du 30 juin 2017[1], le TGI de Paris a condamné l’éditeur d’une application mobile de jeux qui ressemblait fortement à une application concurrente développée antérieurement.

La société Appimedia (anciennement Poker & Poker) avait développé une application mobile « AppCash » qui permettait de participer gratuitement à des jeux de loteries et à des tirages au sort, après visionnage d’une publicité. Appimedia, ayant constaté que la société Prizer diffusait une application mobile similaire, a assigné Prizer pour contrefaçon de droit d’auteur et concurrence déloyale.

Rappelons, qu’une application mobile caractérisée par un développement logiciel, une interface, architecture etc. est de nature à être protégée par le droit d’auteur et ce, au titre de l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous », pour autant que l’œuvre soit originale.

La condition d’originalité ou d’apport intellectuel de l’auteur est, certes, une condition fondamentale mais surtout, encore faut-il être en mesure de la prouver.

En effet, dans l’affaire en cause, il eut été nécessaire qu’Appimedia verse au débat des pièces décrivant la physionomie, la structure, la composition et le contenu des écrans de l’application permettant ainsi non seulement de dater la création de l’application mais également de caractériser l’apport intellectuel de son auteur, et ainsi de répondre à la question en quoi cette application est-elle originale ?

Ce n’est que dans l’hypothèse où l’originalité est démontrée qu’une comparaison peut alors être opérée avec une application mobile similaire et développée postérieurement afin d’établir, le cas échéant, une contrefaçon de droit d’auteur.

En l’espèce, à défaut de pouvoir se prononcer sur une éventuelle contrefaçon de droit d’auteur de l’application, le TGI sanctionne Prizer sur le fondement de la concurrence déloyale après avoir relevé que :

i) le procédé des deux applications assure la gratuité et le financement de la cagnotte (visionnage de la publicité) ;

ii) la présentation de chacune des applications est similaire (loteries proposées, pictogrammes signalant les sous-comptes, classement des gagnants avec les mêmes sous-rubriques, horloge numérique portant décompte de temps réel avant le prochain tirage, compteur en réel sur le montant de la cagnotte) ;

iii) la fréquence des loteries est identique ;

iv) l’ergonomie est proche, ce qui traduit une démarche volontaire de ressembler à l’application initiale.

Le TGI considère donc que ces ressemblances traduisent un comportement fautif générant un risque de confusion dans l’esprit du public, et condamne alors Prizer au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Certes, le TGI prend soin de relever qu’il ne peut être accordé un monopole sur une idée de jeu en ligne ainsi que sur l’ergonomie de fonctionnalités habituelles pour une application. Cela étant précisé, les procédés tels que la gratuité, le financement ou la fréquence des jeux sont des éléments plutôt courants pour des jeux accessibles via une application mobile. La décision peut donc sembler sévère. Il ne faudrait pas aboutir à créer un monopole sur un ensemble ergonomique qui in fine est banal.

Si l’inspiration peut se nourrir des fruits du travail d’autrui, il est vivement conseillé à l’éditeur d’application mobile de veiller à :

i) ne pas reproduire des éléments d’un développement mobile antérieur qui ne seraient pas strictement et techniquement nécessaires ;

ii) ce que les composants, notamment, graphiques ainsi que la structure de l’application ne soient pas de nature à induire un risque de confusion avec une application concurrente ;

iii) conserver toutes les pièces, écrans etc. de nature à dater son développement et à démontrer son originalité pour faire valoir un droit d’auteur.

Le Cabinet KACERTIS peut vous accompagner et vous conseiller en la matière.

[1] TGI Paris, 3ème ch., 3ème sect., 30 juin 2017