Application mobile – Droit d’auteur – Concurrence déloyale
Par une décision du 30 juin 2017[1], le TGI de Paris a condamné l’éditeur d’une application mobile de jeux qui ressemblait fortement à une application concurrente développée antérieurement.
La société Appimedia (anciennement Poker & Poker) avait développé une application mobile « AppCash » qui permettait de participer gratuitement à des jeux de loteries et à des tirages au sort, après visionnage d’une publicité. Appimedia, ayant constaté que la société Prizer diffusait une application mobile similaire, a assigné Prizer pour contrefaçon de droit d’auteur et concurrence déloyale.
Rappelons, qu’une application mobile caractérisée par un développement logiciel, une interface, architecture etc. est de nature à être protégée par le droit d’auteur et ce, au titre de l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous », pour autant que l’œuvre soit originale.
La condition d’originalité ou d’apport intellectuel de l’auteur est, certes, une condition fondamentale mais surtout, encore faut-il être en mesure de la prouver.
En effet, dans l’affaire en cause, il eut été nécessaire qu’Appimedia verse au débat des pièces décrivant la physionomie, la structure, la composition et le contenu des écrans de l’application permettant ainsi non seulement de dater la création de l’application mais également de caractériser l’apport intellectuel de son auteur, et ainsi de répondre à la question en quoi cette application est-elle originale ?
Ce n’est que dans l’hypothèse où l’originalité est démontrée qu’une comparaison peut alors être opérée avec une application mobile similaire et développée postérieurement afin d’établir, le cas échéant, une contrefaçon de droit d’auteur.
En l’espèce, à défaut de pouvoir se prononcer sur une éventuelle contrefaçon de droit d’auteur de l’application, le TGI sanctionne Prizer sur le fondement de la concurrence déloyale après avoir relevé que :
i) le procédé des deux applications assure la gratuité et le financement de la cagnotte (visionnage de la publicité) ;
ii) la présentation de chacune des applications est similaire (loteries proposées, pictogrammes signalant les sous-comptes, classement des gagnants avec les mêmes sous-rubriques, horloge numérique portant décompte de temps réel avant le prochain tirage, compteur en réel sur le montant de la cagnotte) ;
iii) la fréquence des loteries est identique ;
iv) l’ergonomie est proche, ce qui traduit une démarche volontaire de ressembler à l’application initiale.
Le TGI considère donc que ces ressemblances traduisent un comportement fautif générant un risque de confusion dans l’esprit du public, et condamne alors Prizer au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Certes, le TGI prend soin de relever qu’il ne peut être accordé un monopole sur une idée de jeu en ligne ainsi que sur l’ergonomie de fonctionnalités habituelles pour une application. Cela étant précisé, les procédés tels que la gratuité, le financement ou la fréquence des jeux sont des éléments plutôt courants pour des jeux accessibles via une application mobile. La décision peut donc sembler sévère. Il ne faudrait pas aboutir à créer un monopole sur un ensemble ergonomique qui in fine est banal.
Si l’inspiration peut se nourrir des fruits du travail d’autrui, il est vivement conseillé à l’éditeur d’application mobile de veiller à :
i) ne pas reproduire des éléments d’un développement mobile antérieur qui ne seraient pas strictement et techniquement nécessaires ;
ii) ce que les composants, notamment, graphiques ainsi que la structure de l’application ne soient pas de nature à induire un risque de confusion avec une application concurrente ;
iii) conserver toutes les pièces, écrans etc. de nature à dater son développement et à démontrer son originalité pour faire valoir un droit d’auteur.