Cession et transformation préalable d’une SARL en SAS avant cession : analyse au regard de cass com. 18 décembre 2024

La transformation d’une SARL en SAS avant une cession de titres est fréquente, dans la mesure où elle permet en règle générale de réaliser une économie substantielle de droits d’enregistrement (0,1% au lieu de 3%).

  1. Analyse au regard de l’abus de droit

La cour de cassation avait jugé dans un arrêt important du 10 décembre 1996 n° 94-20.070 que l’opération ne répondait pas à un objectif exclusivement fiscal et ne constituait donc pas un abus de droit dès lors que la société n’était pas transformée à nouveau en SARL postérieurement à la cession.

  1. Analyse au regard du mini abus de droit

Le « mini abus de droit » qui sanctionne depuis 2020 les montages ayant un but principalement fiscal (et plus seulement exclusivement fiscal) suscite des craintes, sans que le juge n’ait eu l’occasion à ce jour de se prononcer sur le sujet.

Il est en tout état de cause recommandé de justifier la transformation notamment par l’adoption nécessaire dès la réalisation de la cession de règles spécifiques en matière de maîtrise du capital et de gouvernance, pour lesquelles la société par actions simplifiée présente de nombreux avantages (nomination de personnes morales dirigeantes, liberté statutaire).

  1. Chronologie des opérations

Une incertitude demeurait concernant la chronologie des opérations, qui s’enchaînent souvent à bref délai dans le cadre d’une cession de contrôle.

S’appuyant sur la règle selon laquelle les sociétés ne peuvent opposer aux tiers et aux administrations publiques les actes sujets à mention au RCS que s’ils y ont été publiés (C. com. art. L 123-9), la Cour d’appel de Lyon avait considéré qu’à défaut de réalisation des formalités de publicité au registre du commerce et des sociétés, la transformation était inopposable à l’administration fiscale (CA Lyon, 1ère ch, 6 juillet 2023, n° 20/05110).

Le Conseil d’Etat avait déjà jugé que l’administration fiscale n’est pas un tiers au sens de l’article 1377 du Code civil (CE 9e-10e ch. 28-1-2019 n° 407305), ce qui aurait pu justifier une décision favorable au contribuable, en lui ouvrant la possibilité de prouver par tous moyens l’existence et la date de la délibération de transformation.

La cour de cassation ne s’embarrasse pas de ces éléments d’analyse concernant l’opposabilité des actes et a jugé (cass.com 18 décembre 2024, 23-21.435), que « les droits d’enregistrement applicables à une cession de droits sociaux sont liquidés selon la nature juridique de ces droits déterminée à la date du fait générateur des droits d’enregistrement, lequel correspond à la date du transfert de propriété, peu important qu’à la date de la soumission de l’acte de cession à la formalité de l’enregistrement, la transformation dont la société a fait l’objet antérieurement n’ait pas été publiée au registre du commerce et des sociétés ».

 Voilà un arrêt qui permettra – sur ce plan – d’éviter toute sueur froide aux parties et à leurs conseils dans le cadre des transformations réalisées préalablement à une cession de titres, dès lors qu’il est démontré que la transformation est bien intervenue avant le transfert de propriété.

Maîtriser les enjeux de l’intéressement des salariés au capital d’une entreprise

Intéresser les salariés au capital de l’entreprise présente de nombreux avantages et quelques risques, alors qu’un mouvement de fond en faveur de ces mécanismes est amorcé, y compris au sein des PME.

Comme il est souvent rappelé, intéresser des salariés au capital est pour l’entreprise l’opportunité de renforcer sa performance et sa pérennité :

  1. en renforcer la motivation, la cohésion, la productivité et l’innovation des salariés ;
  2. en se dotant d’un outil de fidélisation ;
  3. en alignant les intérêts entre actionnaires et salariés ;
  4. en étant parfois un outil de transmission à moyen ou long terme ;
  5. en stabilisant la détention du capital social.

Avant d’envisager les outils qu’il est possible de mettre en œuvre, les dirigeants doivent être conscients des limites et risques qui existent dans l’utilisation de ces mécanismes, notamment :

  1. celui de se tromper d’outils ou de méthode, en se méprenant sur les attentes respectives des actionnaires, du management et des salariés, ce qui est susceptible de générer des frustrations de part et d’autre ;
  2. la dilution inévitable du capital, qui ne doit pas remettre en cause les équilibres entre actionnaires ;
  3. la mise en œuvre des mécanismes et la gestion inévitable des entrées et sorties génère des coûts juridiques et fiscaux qu’il faut bien appréhender.

En résumé, il est nécessaire de bien appréhender les objectifs poursuivis, ainsi que le profil des salariés concernés, tout en prenant en compte la taille et la structure de l’entreprise, de façon à retenir la méthode adaptée.

Les mécanismes couramment utilisés pour intéresser les salariés au capital sont à titre principal les suivants :

  1. Actions gratuites (qui peuvent être ordinaires ou de préférence), qui consistent à octroyer à titre gratuit des actions au salarié, qui n’a donc rien à payer ; une contribution est due par la société au moment où les bénéficiaires deviennent propriétaires des actions ;
  2. Bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), qui confèrent un droit de souscription d’actions à un prix fixé dès l’émission ; cet outil, privilégié par les start-ups, ne donne lieu au paiement d’aucune contribution par la société ;
  3. Stock-options, mécanisme juridique similaire que les BSPCE, néanmoins avec une contribution sociale due par la société ;
  4. Cessions d’actions sur titres dans le cadre ou non d’un PEE, qui permettent aux salariés d’acquérir des titres de leur entreprise, dans un cadre social et fiscal maîtrisé ;
  5. Augmentations de capital réservées aux salariés adhérents à un PEE, qui permettent de souscrire au capital avec une décote significative, qui est fonction de la durée d’indisponibilité.

Les sociétés éligibles à ces mécanismes sont les sociétés par actions.

Les bénéficiaires peuvent être, selon les mécanismes, tout ou partie des salariés de la société émettrice ou de ses filiales, avec des limites d’attribution et de détention pour les actions gratuites et les stock-options.

Au-delà des caractéristiques juridiques et fiscales propres à chaque mécanisme, peuvent également se poser d’autres questions, telles que :

  • Le ou les bénéficiaires pourront-ils apporter leur titres à une holding dans un cadre fiscal sécurisé ?
  • Quel est le régime matrimonial des bénéficiaires ?
  • Quelles dispositions peuvent être prévues en cas de départ d’un salarié ?

Autant d’interrogations pour lesquelles le cabinet KACERTIS AVOCATS se mobilise pour vous accompagner dans la mise en œuvre de ces mécanismes.

Cindy CARRE – Pierre GAUCHARD

Les principales mesures pour les entreprises du projet de loi de finances pour 2021

Le projet de loi de finances pour 2021 a été présenté en conseil des ministres le lundi 27 septembre et est en cours d’examen par la commission des finances de l’assemblée nationale.

Outre quelques mesures en matière de TVA et la suppression de taxes « à faible rendement », les principales mesures concernant les entreprises sont les suivantes :

1°) Non-imposition immédiate des écarts de réévaluation libre

Le projet de loi prévoit la possibilité pour les entreprises de ne pas prendre en compte immédiatement, pour la détermination du résultat imposable, l’écart de réévaluation constatée lors d’une réévaluation « libre ».

Une telle réévaluation consiste, lors d’un exercice donné, à procéder à la réévaluation de l’ensemble des immobilisations corporelles et financières.

Pour mémoire, la mise en œuvre d’une réévaluation libre :

  • Ne permet pas d’utiliser l’écart pour la détermination du résultat (L123-18 du code de commerce), mais est inscrit dans les capitaux propres et peut être incorporé au capital (article 350-1 du plan comptable général). Une telle opération peut donc permettre d’améliorer la présentation des comptes sociaux d’une entreprise dont les capitaux propres sont dégradés ;
  • Est possible pour l’ensemble des entreprises ou sociétés ayant l’obligation de tenir une comptabilité commerciale, ce qui inclut les sociétés civiles soumises aux règles des bénéfices industriels et commerciaux.

Conformément aux dispositions de l’article 238 bis JB nouveau, la mise en œuvre d’une réévaluation libre implique :

  • Le calcul des amortissements, provisions et plus-values d’après la valeur attribuée lors de la réévaluation,
  • La réintégration de l’écart aux bénéfices imposables sur une période de 15 ans pour les constructions et 5 ans pour les autres immobilisations,
  • L’imposition immédiate de l’écart de réévaluation afférent à un bien et non encore réintégré, en cas de cession du bien,
  • Le calcul des plus ou moins-value sur les biens non amortissables d’après leur valeur non réévaluée.

Cette mesure s’appliquerait à l’opération constatée au terme d’un exercice clos à compter du 31 décembre 2020 jusqu’au 31 décembre 2022.

2°) Etalement de l’imposition de la plus-value lors d’un lease-back de bien immobilier

Ce dispositif permettrait d’étaler, sur option, l’imposition de la plus-value de cession sur la durée du contrat de crédit-bail, sans que cette durée puisse excéder 15 ans, de façon à permettre aux entreprises d’améliorer leur trésorerie en recourant à des opérations de cession-bail.

Cette disposition s’appliquerait pour les opérations réalisées du 28 septembre 2020 au 31 décembre 2022.

Rappelons que cette opération consiste pour une entreprise à céder à un établissement bancaire un bien immobilier de façon à percevoir des liquidités immédiatement, un contrat de crédit-bail étant conclu concomitamment sur ce même bien.

) Baisse des impôts de production

1ère évolution : Le taux de la CVAE serait réduit de moitié pour toutes les entreprises redevables (taux fixe pour les entreprises réalisant un C.A supérieur à 50 m€ et variable pour les autres, cf ci-dessous).

2ème évolution : Le taux de plafonnement de la CET passerait à 2% au lieu de 3%.

Le montant minimum de la CVAE avant frais de gestion serait divisé par 2 (soit 125 euros).

3ème évolution : sur délibération motivée des collectivités concernées, l’exonération de CFE pourrait être prolongée à 3 ans en cas de création/extension d’établissements à compter de 2021.

4ème évolution : la valeur locative des établissements industriels (activités de fabrication ou de transformation de biens corporels nécessitant d’importants moyens techniques, hors entreprises artisanales et équipements indissociables des installations de stockage de déchets, à l’issue de leur phase d’exploitation) serait réduite de moitié à compter de 2021.

Les valeurs locatives augmenteraient ensuite chaque année en fonction d’un coefficient égal à la moyenne nationale des coefficients d’évolution départementaux des loyers.

4°) Suppression progressive de la majoration de 25% des bénéfices des entreprises qui n’adhèrent pas à un organisme de gestion agréé

A ce jour, les titulaires de BNC, BA et BIC soumis au régime du réel sont fortement incités à adhérer à un organisme de gestion agréé lorsqu’ils n’ont pas recours à un professionnel de l’expertise comptable. En effet, à défaut d’adhésion à un des ces organismes chargés de vérifier la cohérence de la déclaration, une majoration d’assiette de 25% s’applique automatiquement.

La suppression de cette majoration est inscrite dans le projet de loi, avec une dégressivité sur 3 ans :

  • 1,20 de majoration pour les revenus de 2020,
  • 1,15 de majoration pour les revenus de 2021,
  • 1,10 de majoration pour les revenus de 2022.

A compter du 1er janvier 2023, aucune majoration ne sera appliquée, ce qui pourrait signifier la disparition des organismes de gestion agréés.

5°) Suppression du caractère obligatoire de l’enregistrement de certains actes de société

Après plusieurs assouplissements ces dernières années, le projet prévoit la suppression de l’enregistrement obligatoire de certains actes de sociétés.

Les actes concernés seraient ceux constatant :

  • Des augmentations de capital en numéraire ou par incorporations de réserves, ainsi que les réductions et amortissements de capital,
  • Des constitutions de GIE.

Par ailleurs, en vue de raccourcir les délais des formalités, le dépôt de certains actes de sociétés demeurant obligatoirement enregistrés serait possible au greffe du tribunal avant l’exécution de la formalité d’enregistrement au service des impôts.

6°) Nouvelle modification du calcul de la TVS

Outre le renforcement du malus écologique, le calcul de la TVS serait fixé par g/km d’émission de CO2, et non plus par tranche, avec une augmentation ou une diminution des montants selon les cas.

Loi de simplification du droit des sociétés – Fusions simplifiées entre sociétés sœurs : le piège fiscal

Fusions simplifiées entre sociétés sœurs : le piège fiscal après l’entrée en vigueur de la loi de simplification du droit des sociétés.

La loi n°2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés est entrée en vigueur le 21 juillet dernier et contient des dispositions notamment en matière de fusion.

1.   Une simplification des fusions au sein des groupes sur le plan du droit des sociétés

Concernant les sociétés commerciales, elle élargit notamment le régime de la fusion simplifiée aux sociétés sœurs détenues à 100 % par une même société.

Avant l’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 2019, la fusion entre des sociétés sœurs détenues à 100 % impliquait un formalisme important :

  • L’opération de fusion devait être approuvée par les associés de la société absorbante et absorbée ;
  • L’intervention d’un commissaire à la fusion et aux apports étaient nécessaires ;
  • La valorisation de la société absorbante et de la société absorbée étaient nécessaires pour établir la parité d’échange ;
  • Grâce à cette parité d’échange, il convenait de constater une augmentation de capital dans la société absorbante et le cas échéant une prime de fusion.

Ainsi, ces opérations intra-groupes entraînaient des coûts importants pour la société absorbante.

La loi du 19 juillet 2019 a étendu le régime des fusions simplifiées aux opérations de fusion absorption intervenant entre sociétés détenues à 100 % par une autre société et a supprimé la nécessité de réaliser les diligences listées ci-dessous.

Ces modifications attendues sont les bienvenues et pourraient faciliter les restructurations au sein des groupes de sociétés.

2.   Un oubli sur le plan fiscal rendant le dispositif inapplicable à ce stade

Cependant, la loi du 19 juillet 2019 n’a pas modifié l’article du 210-0 A CGI afin d’élargir le régime spécial des fusions à ce nouveau cas de fusion simplifiée.

Pour mémoire, le régime spécial des fusions, permettant une neutralité fiscale de ces opérations, n’est applicable, dans sa rédaction actuelle, qu’en cas :

  • De fusion entraînant une augmentation de capital dans la société absorbante ;
  • De fusion absorption d’une société détenue à 100 % par sa société mère.

Ainsi, la fusion simplifiée de deux sociétés sœurs, qui ne se traduit pas par une augmentation de capital, ne permet pas, en l’état du droit, l’application du régime spécial des fusions et pourrait avoir pour conséquence une imposition des plus-values d’apport chez la société absorbante.

La Direction de la législation fiscale, interrogée par nos soins, a indiqué attendre la mise à jour du règlement comptable sur les opérations de fusions pour statuer sur l’extension ou non du régime spécial des fusions aux opérations de fusions simplifiées entre sociétés sœurs.

Ainsi, et dans l’attente d’une disposition législative ou de tolérance administrative sur ce point, la prudence commande de ne pas mettre en œuvre ce régime de fusion simplifiée.

Pierre GAUCHARD Daisy MARTINEZ

Avocats

Démembrement de l’immobilier et évaluation de l’usufruit : CE 30 septembre 2019

Deux arrêts importants et inédits ont été rendus par le Conseil d’Etat le 30 septembre dernier concernant la méthode d’évaluation d’un usufruit conclu pour une durée fixe.

1.   Intérêts et enjeux de la cession d’usufruit de parts de société civile immobilière semi-transparente

Il convient tout d’abord de rappeler l’intérêt d’une cession de l’usufruit des parts sociales d’une société civile immobilière non soumise à l’impôt sur les sociétés au profit de la société d’exploitation, qui est par hypothèse soumise à l’impôt sur les sociétés (IS).

Ce montage permet de « vivre à l’impôt sur les sociétés et de mourir à l’impôt sur le revenu », c’est-à-dire de bénéficier du régime de l’impôt sur les sociétés pendant la durée de l’usufruit (avec notamment la possibilité d’amortir le bien, ce qui diminue sensiblement la charge fiscale), puis au terme de l’usufruit, en cas de vente, de pouvoir bénéficier des abattements pour durée de détention applicable en matière de plus-value immobilière des particuliers.

La principale problématique de ce montage réside dans l’évaluation de l’usufruit lors du démembrement, avec 2 enjeux à la clé :

  • Le produit constaté ou la valeur vénale de l’usufruit lors de sa cession est taxé entre les mains du ou des cédant(s) selon les règles des revenus fonciers depuis l’introduction le 1er janvier 2013 de l’article 13.5 du Code Général des impôts ;
  • L’actif net de la société ayant acquis l’usufruit peut être rehaussé si la valeur retenue pour la réalisation de l’opération est inférieure à la valeur vénale de l’usufruit et, ce qui occasionne un redressement en matière d’impôt sur les sociétés.

2.   De la bonne méthode d’évaluation de l’usufruit

Dans l’affaire visée par l’arrêt du Conseil d’Etat, le contribuable avait évalué l’usufruit en appliquant purement et simplement le barème de l’article 669 II du Code Général des Impôts en retenant une valeur de 46% de la valeur de la pleine propriété pour une durée de 20 ans.

La société ayant été constituée avec un capital de 1.000 euros, l’usufruit avait donc été évalué à 460 euros.

Dans un arrêt du 15 janvier 2018, la Cour Administrative d’Appel de NANTES avait donné raison à l’administration qui avait retenu une valorisation de 633 k€ en prenant pour base du calcul d’actualisation un loyer net de certaines charges (intérêts d’emprunt, assurances, taxe foncière, impôt sur les sociétés théorique, à l’exception notable du remboursement du capital de l’emprunt).

La Cour Administrative d’Appel avait notamment énoncé que ne pouvait être pris en compte le résultat comptable distribuable et la situation de trésorerie disponible.

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Nantes en rappelant qu’en cas de démembrement de droits sociaux, « l’usufruitier, conformément à l’article 582 du code civil qui lui accorde la jouissance de toute espèce de fruits, n’a droit qu’aux dividendes distribués ».

 Les juges en concluent que la méthode d’évaluation basée sur les résultats imposables prévisionnels de la société retenue par l’administration est irrégulière, la valeur de l’usufruit ne devant être évaluée que sur la base des distributions prévisionnelles.

Cet arrêt nous semble plus conforme à la réalité juridique et économique du démembrement portant sur des parts sociales.

Il n’en demeure pas moins indispensable de se livrer à une évaluation économique cohérente de l’usufruit des parts sociales.

Ainsi, le contribuable concerné par cette affaire devra certainement faire face à une imposition supplémentaire même si elle sera réduite par rapport à celle ressortant du premier arrêt de la Cour Administrative d’Appel, dans la mesure où la méthode retenue par le contribuable aboutissait à un prix manifestement dérisoire.

La contestation portant sur l’évaluation des droits démembrés devrait nourrir un contentieux important dans les années à venir, l’administration fiscale disposant là d’un motif de redressement plus évident que celui fondé sur l’existence d’un supposé abus de droit.

3.   Une opération en principe exempte d’abus de droit….au moins jusqu’au 1er janvier 2020

La même Cour d’Appel, dans un arrêt du 31 mai 2018 a ainsi écarté l’abus de droit tant au regard de la fictivité que du but exclusivement fiscal dans une affaire où la cession de l’usufruit portait sur le bien immobilier et non sur les parts sociales, en considérant que la cession avait produit « des effets économiques et juridiques distincts de la signature ou la poursuite d’un contrat de bail… ».

Néanmoins, pour les actes réalisés à compter du 1er janvier 2020, rappelons qu’un abus de droit pourra être reconnu dans le cadre de montages ayant un but non plus seulement « exclusivement » mais également « principalement » fiscal.

Il sera nécessaire dans ce cadre de prêter une attention redoublée à la caractérisation de la substance économique et des effets juridiques des opérations mises en œuvre.

Pierre GAUCHARDDaisy MARTINEZ

Avocats 

 

 

 

 

Participation de Pierre GAUCHARD à l’émission RADIOSCOPIC #1

Faut-il devenir une entreprise à mission ? : RADIOSCOPIC # 1

Pierre Gauchard, avocat associé du Cabinet KACERTIS, a eu le plaisir de participer à la première émission RADIOSCOPIC, diffusée le 18 octobre dernier sur Euradio, afin d’échanger sur le thème de l’entreprise à mission à la suite de l’adoption de la loi PACTE ( Loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises).

Retrouvez l’intégralité de l’émission en podcast : https://euradio.fr/2019/10/18/faut-il-devenir-une-entreprise-a-mission-radioscopic-1/ 

 

https://soundcloud.com/euradionatio/faut-il-devenir-une-entreprise-a-mission-radioscopic-1

Start-ups et BSPCE où en sommes-nous ?

Les BSPCE, un outil privilégié pour les fondateurs-managers de start-ups accueillant des investisseurs au capital.

Qu’est-ce qu’un BSPCE ?

Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) sont, sur le plan juridique, des bons de souscription d’actions permettant à leurs bénéficiaires de souscrire des actions de la société.

Chaque BSPCE permet ainsi à son titulaire de souscrire des actions de la société à un prix fixé au moment de l’attribution des bons. L’attributaire acquitte le prix fixé le jour où il exerce le BSPCE et souscrit concomitamment aux actions auxquelles le BSPCE lui donne droit.

L’intérêt est grand pour le titulaire du BSPCE : si la valorisation de la société augmente pendant la période d’exercice, il pourra acheter les actions de la société à un prix largement inférieur à sa valeur et ainsi générer une belle plus-value !

Le régime des BSPCE est fixé dans le Code général des impôts, à l’article 163 bis G. Celui-ci a été modifié à de nombreuses reprises au cours des dernières années, la dernière modification en date remontant au 22 mai 2019 (Loi n°2019-486 du 22 mai 2019 dite loi PACTE).

Quels peuvent être les bénéficiaires de BSPCE ?

Les BSPCE sont réservés aux salariés des sociétés par actions et à leurs dirigeants soumis au régime social et fiscal des salariés.

A cette 1ère catégorie, la loi PACTE en ajoute une 2nde, à savoir les administrateurs, les membres des conseils de surveillance et, en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiée, tout organe statutaire équivalent. Cet assouplissement sur les personnes des attributaires devrait permettre aux jeunes entreprises d’attirer plus facilement des administrateurs qualifiés sans avoir à leur offrir des rémunérations immédiates sous forme de jetons de présence. Avant la loi PACTE, ces personnes étaient purement et simplement exclues du bénéfice des BSPCE car elles n’étaient pas salariées. Elles ne rentraient pas davantage dans la catégorie des « dirigeants soumis au régime fiscal des salariés ».

Les BSPCE sont incessibles : le bénéficiaire de BSPCE ne pourra donc pas les céder.

Quelles sont les sociétés pouvant attribuer des BSPCE ?

Seules les sociétés par actions peuvent émettre des BSPCE (société anonyme, société par actions simplifiée…).

Ceci étant rappelé, les autres conditions sont les suivantes (article L. 163 G Bis II du Code général des impôts) :

– elles doivent être immatriculées au registre du commerce depuis moins de 15 ans ;
– elles doivent être passibles de l’impôt sur les sociétés ;
– elles ne doivent pas avoir été créées dans le cadre d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes ;
– leur capital doit être détenu directement et de manière continue pour 25 % au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales dont le capital est directement détenu à hauteur de 75 % au moins par des personnes physiques. A ce principe, le texte apporte un certain nombre de précisions sur la manière dont doivent être appréciés ces seuils. A titre principal, les participations des sociétés de capital-risque, tout comme celles des fonds communs de placement à risque, ne sont pas prises en compte : cette exclusion est logique au regard du fait que les BSPCE s’adressent aux jeunes sociétés en croissance qui, par essence, ont souvent à leur capital de tels associés.

Ultime précision, depuis 2015, une société créée dans le cadre d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes pourra émettre et attribuer des BSPCE si toutes les sociétés prenant part à l’opération répondent aux conditions ci-dessus.

En outre, une société pourra également attribuer des BSPCE aux membres du personnel salarié, aux dirigeants soumis au régime fiscal des salariés et aux membres du conseil d’administration, du conseil de surveillance (et par extension, pour les sociétés par actions simplifiée, aux membres d’un organe statutaire équivalent) des sociétés dont elle détient au moins 75% du capital et des droits de vote.

Quelles sont les règles gouvernant l’émission des BSPCE et la souscription des actions ?

Les BSPCE sont en règle générale émis gratuitement (ou à un prix faible).

Le prix de souscription des actions est librement défini sous deux réserves :

(i) lorsqu’une augmentation de capital a été réalisée dans les six mois précédant l’émission des BSPCE, le prix de souscription des actions doit être au moins égal à celui retenu pour l’augmentation de capital (CGI art. 163 bis G, III) ; cette règle impérative ne joue que si les titres émis lors de l’augmentation de capital et ceux auxquels donnent droit les BSPCE donnent des droits équivalents ;

(ii) Le prix doit être fixé en cohérence avec la valeur de marché, sous peine d’encourir une requalification en traitements et salaires.

Quels sont les avantages des BSPCE ?

1- Sur le plan juridique, leur émission bénéficie d’une grande souplesse :

a. leur bénéfice n’est pas réservé aux salariés ou dirigeants détenant moins de 10% du capital, ce qui est le cas pour les stock-options et les actions gratuites ;

b. le nombre de BSPCE émis n’est pas limité ;

c. aucune durée minimale de présence ou de conservation n’est imposée (le temps de présence de l’attributaire a néanmoins des conséquences fiscales) ;

d. les parties peuvent aménager librement les conditions d’exercice des bons (simple « vesting » [par exemple, les BSPCE seront exerçables sur 4 ans, à hauteur de 25 % par an], atteinte d’objectifs…)

2- Sur le plan social et fiscal, ils bénéficient d’un régime attrayant à la fois pour l’émetteur et le bénéficiaire :

a. Aucune charge sociale n’est due par la société alors qu’une contribution patronale spécifique pouvant aller jusqu’à 30% frappe les stocks options et les actions gratuites ;

b. Depuis le 1er janvier 2018, le gain résultant de l’exercice de BSPCE est soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 12,8% (outre les prélèvements sociaux qui s’élèvent à 17,2%). Ce taux est porté à 30% si le bénéficiaire exerce son activité depuis moins de trois ans (à la date de la cession) au sein de la société.

N.B : le régime fiscal prévu permet d’éviter des requalifications des sommes perçues en traitements et salaires, sous réserve que le prix de souscription des actions soit néanmoins cohérent avec la valeur de marché de la Société au moment de l’émission des bons, risques auxquels n’échappent pas les BSA (bons de souscriptions d’actions) ou les ABSA (actions avec bons de souscription) ne rentrant pas dans le champ d’application du dispositif des BSPCE.

 

Les BSPCE constituent donc un outil privilégié pour permettre aux fondateurs/managers de bénéficier des fruits de la croissance en permettant un deal gagnant/gagnant avec les investisseurs soucieux de protéger leurs intérêts.

Antoine THIEBAUT – Avocat Associé Private Equity

Brève : Loi PACTE et levées de fonds en ICO

ICO Cabinet Avocats Nantes Kacertis Avocats

L’article 26 de la loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) vient d’être adopté ce mercredi 12 septembre par la Commission spéciale de l’Assemblée Nationale.

Cet article a pour objet de créer le cadre juridique des levées de fonds en cryptomonnaies.

En d’autres termes, un cadre juridique nouveau, et totalement inédit en Europe, a vocation à être créé pour les émissions de jetons des ICO (Initial Coin Offering).

FISCALITE DE L’INVESTISSEMENT ET DES OUTILS D’INTERESSEMENT AU CAPITAL DES PME APRES LA LOI DE FINANCES POUR 2018

Pierre Gauchard - Avocat Nantes

1. RÉDUCTION IR -PME

Avec la suppression de l’ISF prend fin également la réduction d’ISF-PME qui permettait de bénéficier d’une réduction d’ISF égale à 50% des sommes investies.

Il convient néanmoins de préciser que les investissements réalisés entre le 15 juin 2017 et le 31 décembre 2017 donneront droit exceptionnellement à une possibilité d’imputation sur l’IFI (sous réserve d’y être assujetti !).

En contrepartie, la réduction d’impôt sur le revenu passe de 18% à 25% pour les versements effectués jusqu’au 31 décembre 2018, dans la limite de versements annuels de 50.000 € pour les personnes seules et de 100.000 € pour les couples mariés.

Lorsque l’investissement passe par un FCPI ou un FCI, un quota d’investissements de 70% dans les PME éligibles doit être respecté par ces derniers et seuls les versements effectués dans des sociétés éligibles donne droit à réduction.

Cette mesure s’appliquera à compter d’une date fixée par décret, après accord de l’UE.

A noter que le montant des frais et commissions directs et indirects versé à des intermédiaires et imputé au titre d’un même versement sera limité par un plafond fixé par arrêté.

2. BSPCE

Rappelons que les BSPCE (bons de souscription de parts de créateurs d’entreprises) permettent à leurs bénéficiaires de souscrire des actions d’une société éligible à un prix fixé définitivement lors de l’attribution des bons, les bons étant attribués gratuitement lors de leur émission.

Le gain imposable est déterminé par différence entre le prix de cession et le prix de souscription.

Désormais, le régime applicable est le suivant :

  • Lorsque le bénéficiaire exerce son activité dans la société depuis moins de 3 ans, le gain est soumis à l’impôt sur le revenu au taux de 30%, outre les prélèvements sociaux au taux de 17,2%, soit une taxation globale de 47,2% !
  • Lorsque le bénéficiaire exerce son activité depuis plus de 3 ans, le gain est soumis à l’impôt au taux de 12,8%, outre les prélèvements sociaux au taux de 17,2%, soit un taux global de 30% applicable à toutes les plus-values de cession de valeur mobilière.

Peut-on encore parler dans ces conditions d’un régime de faveur ?

Du côté du dirigeant ou salarié bénéficiaire, la question mérite d’être posée, d’autant que le bénéficiaire d’un bon de souscription d’actions (BSA) « classique » peut désormais bénéficier de plein droit du prélèvement forfaitaire unique (appelée également « flat tax »), sans condition de présence.

Désormais, le titulaire de BSPCE bénéficie au mieux d’une taxation identique à celle de tout contribuable.   

Il n’en reste pas moins que les BSPCE sont émis gratuitement, ce qui n’est pas le cas des BSA qui nécessitent un investissement du bénéficiaire dès leur émission. Par ailleurs, les plans de BSPCE prévoient souvent une condition de présence du bénéficiaire pour leur exercice.

Dans les faits, les environnements juridiques et fiscaux devraient donc dans des bien des cas se rejoindre.

3. ACTIONS GRATUITES

La loi de finances est l’occasion d’un nouvel épisode dans les réformes successives de la fiscalité des actions gratuites.

N.B : Rappelons que du point de vue de la société émettrice, le taux de la contribution sociale patronale due par la société a été abaissé de 30% à 20% (soit un retour au taux issu de la loi MACRON) pour les actions attribuées à compter du 1er janvier 2018.

Pour mémoire, des régimes différents s’appliquent selon que les actions gratuites ont été attribuées jusqu’au 27 septembre 2012, entre cette date et le 7 août 2015, ou entre cette date et le 30 décembre 2016 et désormais à compter du 1er janvier 2018 !

Désormais, les dispositions suivantes s’appliquent :

  • La plus-value d’acquisition (égale à la valeur des actions au jour de leur attribution définitive et taxée lors de la cession des actions) est imposée comme suit :

Le gain n’excédant pas 300.000 € sera soumis au taux progressif de l’IR après abattement de 50%. L’abattement fixe « dirigeants » peut s’appliquer, en s’imputant d’abord sur la plus-value de cession. Les prélèvements sociaux sur revenus du patrimoine au taux de 17,2% s’appliquent.

Le gain excédant 300.000 € sera soumis au taux progressif de l’IR, sans application d’abattements et avec des prélèvements sociaux sur revenus d’activité au taux de 9,70%.

  • La plus-value de cession, calculée par différence entre le prix de cession et la plus-value d’acquisition, est taxée selon les nouvelles règles s’appliquant aux plus-values de cession de valeurs mobilières (flat tax de 30% ou imposition au taux progressif).

Nouvelle obligation pour les sociétés : la déclaration du « bénéficiaire effectif »

Antoine Thiebaut - Avocat Nantes

A la suite de la publication du décret n°2017-1094 du 12 juin 2017, les nouvelles obligations des articles L. 561-46 et suivants du Code monétaire et financier sont entrées en vigueur. Ainsi, les personne morales ont désormais :

  • Une obligation d’identification de leurs « bénéficiaires effectifs » et,
  • Une obligation de communication de leur identité au registre du commerce et des sociétés.

Ce nouveau dispositif résulte de la transposition en droit français – par la loi Sapin II du 29 décembre 2016 – d’une directive européenne de 2015 visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Quelles sont les entités assujetties à cette nouvelle obligation déclarative ?

Il s’agit tout d’abord des sociétés, commerciales ou civiles, qui ont leur siège social en France et jouissent de la personnalité morale (c’est-à-dire celles qui sont immatriculées).

Il s’agit ensuite des sociétés commerciales étrangères qui, bien que n’ayant pas leur siège établi en France, y ont un établissement.

De manière générique, toutes les personnes morales tenues de s’immatriculer au RCS doivent respecter cette nouvelle obligation, sauf dérogations expresses.

Qui est le « bénéficiaire effectif » d’une entité soumise à déclaration ?

Il s’agit de la personne physique qui possède, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital social et des droits de vote de la société concernée.

Il s’agit également de la personne physique qui exerce, par tout moyen, un contrôle sur les organes de direction ou de gestion au sein de cette même société.

Comment se matérialise cette nouvelle obligation déclarative ?

L’entité soumise à cette obligation doit régulariser un document type qui comporte, outre des renseignements se rapportant à l’entité elle-même (dénomination sociale, adresse du siège social etc.), des renseignements relatifs à la personne du « bénéficiaire effectif », à savoir :

  • Nom, prénom(s), date de naissance,
  • Adresse personnelle,
  • Modalités du contrôle exercé sur l’entité concernée.

A qui pourra être communiqué ce nouveau document ?

Le document ne sera pas accessible au public comme peuvent l’être, par exemple, les statuts d’une société.

Seules les personnes visées par le code monétaire et financier pourront avoir accès à ce document. Quelles sont-elles ?

A titre principal, il s’agit des autorités judiciaires, de l’administration des douanes et de l’administration fiscale.

Il s’agit ensuite de toutes les personnes qui sont, au titre de leurs fonctions, assujetties à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme mentionnés à l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier (établissements bancaires, experts-comptables, avocats…).

Enfin, pourront avoir accès à ce document, les personnes qui y auront été autorisées en vertu d’une décision de justice devenue définitive.

Que se passe-t-il si l’entité concernée ne déclare pas ses bénéficiaires effectifs ?

Le fait de ne pas respecter cette nouvelle obligation (ou de déposer un document inexact) est puni de 6 mois d’emprisonnement et d’une amende de 7.500 euros.

En outre, le président du tribunal de commerce pourra enjoindre la société concernée, au besoin sous astreinte, de déposer le document.

A partir de quand cette obligation est-elle effective ?

Depuis le 1er août 2017, toute nouvelle entité devant s’immatriculer au greffe du tribunal de commerce est tenue de produire ce document.

Pour les sociétés immatriculées antérieurement au 1er août 2017, elles ont jusqu’au 1er avril 2018, pour déposer auprès du greffe ladite déclaration.