La transformation d’une SARL en SAS avant une cession de titres est fréquente, dans la mesure où elle permet en règle générale de réaliser une économie substantielle de droits d’enregistrement (0,1% au lieu de 3%).
-
Analyse au regard de l’abus de droit
La cour de cassation avait jugé dans un arrêt important du 10 décembre 1996 n° 94-20.070 que l’opération ne répondait pas à un objectif exclusivement fiscal et ne constituait donc pas un abus de droit dès lors que la société n’était pas transformée à nouveau en SARL postérieurement à la cession.
-
Analyse au regard du mini abus de droit
Le « mini abus de droit » qui sanctionne depuis 2020 les montages ayant un but principalement fiscal (et plus seulement exclusivement fiscal) suscite des craintes, sans que le juge n’ait eu l’occasion à ce jour de se prononcer sur le sujet.
Il est en tout état de cause recommandé de justifier la transformation notamment par l’adoption nécessaire dès la réalisation de la cession de règles spécifiques en matière de maîtrise du capital et de gouvernance, pour lesquelles la société par actions simplifiée présente de nombreux avantages (nomination de personnes morales dirigeantes, liberté statutaire).
-
Chronologie des opérations
Une incertitude demeurait concernant la chronologie des opérations, qui s’enchaînent souvent à bref délai dans le cadre d’une cession de contrôle.
S’appuyant sur la règle selon laquelle les sociétés ne peuvent opposer aux tiers et aux administrations publiques les actes sujets à mention au RCS que s’ils y ont été publiés (C. com. art. L 123-9), la Cour d’appel de Lyon avait considéré qu’à défaut de réalisation des formalités de publicité au registre du commerce et des sociétés, la transformation était inopposable à l’administration fiscale (CA Lyon, 1ère ch, 6 juillet 2023, n° 20/05110).
Le Conseil d’Etat avait déjà jugé que l’administration fiscale n’est pas un tiers au sens de l’article 1377 du Code civil (CE 9e-10e ch. 28-1-2019 n° 407305), ce qui aurait pu justifier une décision favorable au contribuable, en lui ouvrant la possibilité de prouver par tous moyens l’existence et la date de la délibération de transformation.
La cour de cassation ne s’embarrasse pas de ces éléments d’analyse concernant l’opposabilité des actes et a jugé (cass.com 18 décembre 2024, 23-21.435), que « les droits d’enregistrement applicables à une cession de droits sociaux sont liquidés selon la nature juridique de ces droits déterminée à la date du fait générateur des droits d’enregistrement, lequel correspond à la date du transfert de propriété, peu important qu’à la date de la soumission de l’acte de cession à la formalité de l’enregistrement, la transformation dont la société a fait l’objet antérieurement n’ait pas été publiée au registre du commerce et des sociétés ».
Voilà un arrêt qui permettra – sur ce plan – d’éviter toute sueur froide aux parties et à leurs conseils dans le cadre des transformations réalisées préalablement à une cession de titres, dès lors qu’il est démontré que la transformation est bien intervenue avant le transfert de propriété.