Kafé Actu #1 – Les données RH à l’épreuve du RGPD

3 ans après son entrée en vigueur, le RGPD reste plus que jamais un sujet d’actualité.

Les sanctions de la CNIL se multiplient, et les contentieux individuels des salariés également.

Le RGPD a, en effet, de nombreuses incidences sur la relation entre l’employeur et ses salariés.

Or, bien souvent, l’employeur a du mal à identifier quelles sont ses obligations concrètes quant aux données RH.

C’est pourquoi, le cabinet KACERTIS vous invite à son premier Kafé Actu #1 sur les données RH à l’épreuve du RGPD.

Stéphane BAIKOFF et Anouck SUBERBIELLE, avocates associées, échangeront avec vous sur les situations pratiques que vous pouvez rencontrer : contrôle des communications des salariés, vidéosurveillance, traçage informatique, données des salariés auteurs d’infraction routière…

Pour les plus matinaux, un petit déjeuner d’accueil vous sera proposé dès 7h30.

Lien d’inscription : Kafé Actu #1 – Les données RH à l’épreuve du RGPD Billets, Le jeu 22 juil. 2021 à 07:30 | Eventbrite

 

La CNIL n’épargne ni la grande distribution ni le secteur bancaire !

Une invitation claire à respecter les droits des personnes, et un rappel des conditions d’une information accessible, compréhensible, et transparente.

Selon deux délibérations de la formation restreinte de la CNIL en date du 18 novembre 2020 (n°SAN-2020-008 et n°SAN-2020-009) rendues publiques, la société CARREFOUR et la société CARREFOUR BANQUE ont été condamnées respectivement à une amende de 2 250 000 € pour la première, et à une amende de 800 000 € pour la seconde.

Des sanctions lourdes dès lors que les manquements constatés étaient nombreux, et consistaient dans le non-respect de :

  • L’obligation d’information dont les mentions sont fixées à l’article 13 du RGPD;
  • La réglementation applicable aux cookies résultant de l’article 82 de la Loi informatique et libertés;
  • L’obligation de limiter les durées de conservation nées de l’article 1 e du RGPD;
  • L’obligation de faciliter l’exercice des droits fixée à l’article 12 du RGPD; et d’en garantir un exercice effectif selon les articles 15 et 21 du RGPD, et L.34-5 du code des postes et communications électroniques ; s’agissant notamment du droit d’opposition, et du droit à l’effacement des données, qui n’étaient pas systématiquement pris en compte ;
  • L’obligation de traiter les données de manière loyale en exécution de l’article 5 du RGPD;
  • L’obligation de sécuriser les données à caractère personnel traitées née de l’article 32 du RGPD.
  • L’obligation de notifier les violations de données à caractère personnel selon l’article 33 du RGPD.

L’on ne présente plus le groupe CARREFOUR, géant de la grande distribution, qui a diversifié ses activités et intervient désormais dans le secteur bancaire ou assurantiel, ou encore comme agence de voyages ou vendeur spécialisé dans le commerce en ligne.

Ce sont donc ses filiales, la société CARREFOUR France, dont l’activité principale est la grande distribution, et la société CARREFOUR BANQUE, établissement bancaire qui propose notamment des crédits à la consommation, qui viennent d’être lourdement sanctionnées par la CNIL en leurs qualités de responsable de traitement, suite à des contrôles réalisés en ligne et sur place.

A l’origine de la décision de diligenter un contrôle de la CNIL, le nombre important de plaintes formées contre les sociétés du groupe CARREFOUR pour non-respect des dispositions du RGPD. En effet, la CNIL a reçu 15 plaintes de particuliers entre juin 2018 et avril 2019.

La société CARREFOUR France édite un site web permettant de créer et d’accéder à son espace personnel et de passer commande. Tandis que la société CARREFOUR BANQUE, établissement bancaire, édite pour sa part un site proposant des services de banque et d’assurance en ligne. Elle commercialise une carte de paiement à destination des clients du groupe CARREFOUR, pouvant être rattachée au programme de fidélité du même groupe.

Les contrôles ont porté sur l’ensemble de ces traitements.

L’objet du présent article portera sur les manquements à l’obligation d’information des personnes, relevés à l’encontre des deux sociétés du groupe CARREFOUR (points 57 à 99 de la délibération n°SAN-2020-008 et points 39 à 68 de la délibération SAN-2020-009).

En effet, ces décisions permettent de définir les contours de l’obligation d’information fixée aux articles 12 et suivants du RGPD, et apportent des enseignements précieux quant aux conditions d’un accès conforme à l’information (I), et quant à son contenu (II).

Pour mémoire, l’article 12 du RGPD dispose notamment :

« Le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour fournir toute information visée aux articles 13 et 14 […] en ce qui concerne le traitement à la personne concernée d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, en des termes clairs et simples […]. »

Le contenu de l’information est fixé par les articles 13 et 14 selon que la collecte est directe ou indirecte.

I. Sur l’accès à l’information

Dans un premier temps, la formation restreinte de la CNIL a considéré que l’information délivrée par les responsables de traitement, sur les différents supports utilisés, n’était pas aisément accessible.

L’accessibilité de l’information se décline en deux critères : l’accessibilité physique / logique(a), et l’accessibilité « intellectuelle » (b) renvoyant à l’usage de termes clairs et simples.

a)  L’accès « physique » aux informations

S’agissant de l’information délivrée sur les différents sites, objets des contrôles, la CNIL a jugé que « la multiplicité des pages à consulter, des liens présents dans les différentes pages, ainsi que la redondance des informations ne permettent pas de considérer que les informations pertinentes pour les personnes sont aisément accessibles », (point 59 délibération SAN 2020-008) et que « l’information mise à disposition des utilisateurs […] par le biais de différents canaux » n’était pas aisément accessible {renvois des Mentions légales vers des mentions de Protection et confidentialité des données personnelles pour cliquer sur un lien qui renvoie vers un nouvel onglet Protection et confidentialité des données personnelles}.

La seule description du parcours utilisateur présenté par la formation restreinte dans sa décision permet, outre de donner le tournis, de se convaincre également que l’accès à la politique de confidentialité n’était pas optimal eu égard aux exigences du RGPD, compte tenu de la multiplicité des actions à mener pour y parvenir.

Quant à l’information accessible sur les sites internet, la CNIL proscrit l’insertion des mentions d’information relatives aux traitements de données à caractère mis en œuvre au sein des conditions générales d’utilisation. En effet, la CNIL considère que ces dernières sont souvent denses, complexes, longues et techniques, nous n’osons pas dire indigestes. Ainsi, la formation restreinte juge que des mentions relatives à la protection des données noyées dans des conditions générales (d’utilisation ou de vente,) ne sont pas facilement accessibles dès lors que, selon elle, « l’utilisateur doit faire preuve d’une détermination particulière pour accéder aux informations sur ces questions ».

Elle préconise donc le recours à un document unique distinct des conditions générales.

Cela rejoint la position du G29, présentée dans ses lignes directrices sur la transparence[1] (adoptées le 29 novembre 2017, et révisées le 11 avril 2018), selon lesquelles « la personne concernée ne devrait pas avoir à rechercher les informations mais devrait pouvoir tout de suite y accéder. »

Le considérant 61 du RGPD précise, quant à lui : « les informations sur le traitement des données à caractère personnel relatives à la personne concernée devraient lui être fournies au moment où ces données sont collectées auprès d’elle. »

Enfin, le responsable de traitement est à nouveau rappelé à l’ordre lorsque le bulletin papier d’adhésion au programme de fidélité ne contient que quelques mentions essentielles et procède par renvoi à la page d’accueil d’un site sans autres précisions. La formation restreinte relève que ce bulletin papier aurait dû contenir, a minima, l’adresse URL à laquelle ces informations étaient accessibles.

Le message est ainsi clair. Ces différentes pratiques tendant à dissuader la personne concernée d’accéder à la politique de confidentialité ou à détourner son attention sont prohibées, comme étant contraires aux exigences de la réglementation que la CNIL prend soin de rappeler.

La formation restreinte de la CNIL encourage alors le recours à un document unique traitant de la politique de confidentialité distinct de mentions d’information d’ordre plus général, accessible via un seul onglet sur un site et correctement identifié. Elle précise que « l’information doit être présentée de manière efficace et succincte afin d’éviter de noyer l’information à délivrer parmi d’autres contenus informatifs. »

Quant à la délivrance d’une information en plusieurs niveaux, la CNIL n’y est pas farouchement opposée. Elle précise que cela n’est pas interdit. Toutefois, elle ne peut recommander ces pratiques dès lors qu’un tel procédé présente souvent l’inconvénient de diluer l’information et peut la rendre plus difficile à trouver. Le risque de non-conformité est donc plus élevé dans ces hypothèses. Elle fait siennes les préconisations du G29 selon lesquelles : « le premier niveau/ la première modalité inclut les détails de la finalité du traitement, l’identité du responsable du traitement et une description des droits des personnes concernées. » Ainsi, une information sera délivrée de manière conforme dans ces conditions, sous réserve que le premier niveau d’information fournisse les caractéristiques essentielles du traitement, et que le second niveau soit, quant à lui, exhaustif conformément aux dispositions de l’article 13 du RGPD.

La CNIL, à la faveur de ces deux décisions de sanction, fixe le cadre dans lequel une information est conforme au critère d’accessibilité imposé par le RGPD.

b) Des mentions intelligibles

La CNIL rappelle que l’information doit être délivrée en « termes clairs et simples » de telle sorte qu’elle soit intelligible.

Il est, à cet égard, intéressant de se reporter à la décision elle-même (SAN 2020-008- points 75 à 77) pour se convaincre de ce qu’une simple relecture des mentions d’informations aurait sans doute permis à un rédacteur, un minimum consciencieux et diligent, soit de ne pas les publier, soit de les ré-écrire, avant que de faire l’objet d’une procédure de sanction par l’autorité de contrôle.

L’on ne résiste donc pas à la tentation de citer quelques passages de ces mentions, dont les formulations sont ambigües, peu claires, inutilement compliquées et imprécises, de telle sorte qu’elles ne permettent pas aux personnes d’appréhender pleinement les traitements mis en œuvre, ni leurs finalités, ni les droits dont elles disposent :

« ces traitements incluent notamment , pour l’une ou plusieurs des raisons suivantes »ou « vos données sont susceptibles d’être utilisées »

« vous disposez également d’un droit d’obtenir la limitation d’un traitement et d’un droit à la portabilité des données que vous avez pu fournir, qui trouveront à s’appliquer dans certains cas ».

« nous pouvons éventuellement disposer de données de l’open Data »

« vos données pourront faire l’objet d’un traitement pour l’une ou plusieurs des raisons suivantes »

« vous pouvez demander à exercer votre droit d’opposition pour motif pour des raisons tenant à votre situation particulière, à un traitement de données personnelles vous concernant lorsque le traitement est fondé sur l’intérêt légitime du responsable de traitement y compris le profilage »

« vos données pourront peut-être transmises à tout ou partie des destinataires suivantes : […] les marques partenaires, mais dans ce cas ces derniers n’ont pas accès ni directement ni indirectement aux données vous concernant et seuls [sic] des données liées à votre profil sans qu’il soit possible de vous identifier directement ou indirectement, aux sociétés du groupe Carrefour pour les finalités susvisées ».

Un joyeux florilège de mentions d’information à la faveur desquelles, compte tenu de la sémantique, du recours systématique au terme « notamment » et de la disposition parfois hasardeuse des termes juridiques, il est impossible même pour un lecteur averti, de comprendre la portée du traitement, d’identifier les droits des personnes concernées, ou encore des moyens de les mettre en œuvre.

Or, la CNIL insiste sur l’impérieuse nécessité de soigner la rédaction des mentions d’information en application des articles 12 et suivants du RGPD. En effet, il convient de rappeler à tous les responsables de traitement qu’une information délivrée de manière conforme aux exigences de la réglementation, c’est-à-dire accessible et compréhensible, conditionne la validité de l’engagement des personnes concernées, et donc la licéité du traitement.

L’on ne peut donc qu’inviter les responsables de traitement à apporter un soin particulier à la rédaction de leurs mentions d’information, à commencer par s’assurer qu’elles sont compréhensibles ! Et parfois, le simple bon sens suffit. Pour mémoire, les articles 12 et 13 précités imposent que les informations fournies soient complètes mais aussi aisément compréhensibles. Naturellement, l’exercice de rédaction peut s’avérer plus périlleux puisque, alors même que les finalités poursuivies et les durées de conservations des données traitées sont nombreuses et différentes. L’on ne saurait trop conseiller d’avoir recours à un professionnel.

II.  Sur le contenu de l’information

La CNIL, à la faveur de ces deux décisions de sanction, rappelle également que l’information doit être complète, et contenir l’ensemble des mentions visées aux articles 13 et 14 du RGPD, selon que la collecte se fait directement auprès de la concernée ou indirectement.

Or tel n’était pas le cas dans les deux espèces, les mentions d’information étant lacunaires et imprécises.

Ces dispositions imposent l’identification du responsable de traitement, lequel n’est pas le sous-traitant, ni un simple destinataire. Les hypothèses de co-responsabilité ou de responsables conjoints peuvent parfois créer des difficultés d’identification. Une analyse circonstanciée de la situation juridique doit alors s’opérer in concreto.

La base juridique doit être indiquée de manière précise. Les sociétés ne pouvaient se contenter de viser de manière générale chacune des bases légales de l’article 6 du RGPD, telles que l’exécution du contrat, le consentement ou encore l’intérêt légitime. La réglementation impose que les personnes soient informées de la base légale spécifique applicable à chacun des traitements mis en œuvre par le responsable de traitement.

Les éventuels transferts de données en dehors de l’Union européenne doivent être portés à la connaissance de la personne concernée, ainsi que l’ensemble des garanties encadrant ledit transfert. Tel n’était pas le cas dans ces deux affaires.

Enfin, la CNIL relève que les personnes concernées n’étaient pas informées, pour l’ensemble de leurs données de la durée de conservation. En effet, l’article 13.2 f du RGPD impose que les personnes soient informées de la durée de conservation des données ou des critères utilisés pour déterminer cette durée. Dans la décision n° SAN 2020-009, la formation restreinte prend soin de rappeler les préconisations du G29 qui recommande que « la durée de conservation [soit] formulée de manière à ce que la personne concernée puisse évaluer, selon la situation dans laquelle elle se trouve, quelle sera la période de conservation s’agissant de données spécifiques ou en cas de finalités spécifiques. Le responsable du traitement ne peut se contenter de déclarer de façon générale que les données à caractère personnel seront conservées aussi longtemps que la finalité légitime du traitement l’exige. Le cas échéant, différentes périodes de stockage devraient être mentionnées pour les différentes catégories de données à caractère personnel et/ou les différentes finalités de traitement, notamment les périodes à des fins archivistiques. »

L’emploi de formules vagues telles « les délais de prescription légale applicable » ou « la conservation de vos données varie selon les réglementations et loi applicables » est donc non-conforme aux exigences de transparence imposées par le RGPD.

Il appartenait aux sociétés contrôlées de prévoir dans leurs mentions d’information les différentes durées de conservation pour l’ensemble des données ou des finalités, notamment s’agissant des données de navigation ou des données relatives aux achats effectués.

En conséquence, et pour toutes les raisons sus-évoquées, la CNIL a constaté que les sociétés du groupe CARREFOUR avaient manqué à l’obligation d’information incombant à tout responsable de traitement en application de l’article 13 du RGPD, laquelle doit être transparente, compréhensible et aisément accessible.

En application des articles 82 et 83 du RGPD, il était loisible à la CNIL de prononcer à l’encontre des sociétés poursuivies des injonctions ou mises en demeure d’avoir à se conformer à la réglementation, et d’avoir à en justifier dans un certain délai.

Toutefois, dans ces deux affaires, l’autorité de contrôle, eu égard aux efforts mis en œuvre par les responsables de traitement au cours de l’instruction lesquels étaient en conformité à la date du dernier contrôle, a considéré qu’une injonction ne se justifiait pas. Elle a d’ailleurs pris soin de relever l’important travail de mise en conformité fourni par les sociétés, s’agissant des mentions d’information présentes sur les différents supports. L’information désormais délivrée par les sociétés du groupe était transparente, aisément accessible, et complète à la date à laquelle la formation restreinte a statué.

Cependant, eu égard au nombre de manquements constatés et caractérisés nés d’un défaut d’anticipation des conséquences de l’entrée en application du RGPD, et eu égard au nombre de personnes concernées dont les droits n’ont pas été respectés, la CNIL n’a eu d’autre choix que de condamner les responsables de traitement à de lourdes amendes administratives. Il sera cependant observé que les montants proposés par le rapporteur (ignorés) ont été atténués par la formation restreinte, compte tenu du degré de coopération des sociétés avec la CNIL, et des efforts importants engagés pendant l’instruction pour atteindre une conformité totale puisque l’ensemble des manquements ont été corrigés.

La CNIL a pris en compte le chiffre d’affaires réalisé par la Société CARREFOUR France et par les filiales qu’elle détient et qui ont bénéficié des traitements, appréciation extensive de la notion d’entreprise conforme aux articles 101 et 102 du TFUE. Elle a donc estimé qu’une amende d’un montant de 2 250 000 € était justifiée et proportionnée aux manquements relevés et à la situation de la société CARREFOUR France, compte tenu des spécificités du modèle économique de la grande distribution caractérisé par un chiffre d’affaires élevé au regard des résultats nets dégagés par l’activité dont les marges sont faibles.

Ces décisions révèlent des indices précieux d’une information conforme au sens du RGPD, dont il faut tenir compte au moment de leur rédaction. Elles ont également le mérite de rappeler que tous les secteurs sont concernés par le RGPD…

[1] https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/wp260_guidelines-transparence-fr.pdf

 

Stéphane BAÏKOFF

Avocate Associée

(Article paru dans la Revue Expertises – Janvier 2021 n°464 pages 28 à 31)

CJUE 6 octobre 2020, affaires C511/18, C512/18 et C520/18

Cabinet Avocats Nantes Kacertis Avocats RGPD

CJUE 6 octobre 2020, affaires C511/18, C512/18 et C520/18

Nouvelle décision de la CJUE relative à l’accès et à la conservation de données de connexion et de localisation dans le cadre de la lutte contre la criminalité : mise en balance du droit au respect de la vie privée et de la sécurité publique, des intérêts inconciliables ?

Aujourd’hui, la lutte contre la criminalité ne peut se faire sans l’utilisation de données collectées dans l’environnement numérique. En effet, ces organisations tendent à se « professionnaliser » et utilisent les moyens numériques pour recruter, préparer, diriger et accomplir des actes criminels (pédopornographie, criminalité en bande organisée, terrorisme). Les enquêteurs judiciaires et services de renseignement se sont donc adaptés à ces nouvelles pratiques, et usent des mêmes voies pour traquer et identifier les auteurs d’infractions. Les données de connexion et de localisation sont de plus en plus utilisées à des fins d’investigation et de preuve devant les juridictions pénales, et deviennent indispensables pour identifier les auteurs en raison de l’anonymat généralisé dans cet environnement.

C’est dans ce contexte que la Cour de justice de l’Union européenne rappelle, dans un arrêt récent en date du 6 octobre 2020, que, par principe, la collecte de données de connexion et de trafic sur les réseaux de communication électroniques est interdite, lorsqu’elle s’effectue de manière généralisée et indifférenciée. La Cour vient cependant préciser les contours des exceptions à ce principe, et les conditions dans lesquelles une législation nationale peut imposer aux fournisseurs et opérateurs de conserver lesdites données notamment à des fins de sécurité nationale.

Il sera d’ores et déjà précisé qu’on entend par « données de connexion », toutes les données qui se rattachent à une activité numérique, en dehors du contenu même du message lui-même. Ces données sont en lien avec le qui ? quand ? comment ? de la communication. Il s’agit des métadonnées, et données de localisation : identité, localisation de l’auteur et du destinataire des communications, date d’envoi, durée de la communication, matériel utilisé, numéro de téléphone, adresse IP.

Cette décision est d’autant plus remarquable qu’elle amène la CJUE à examiner notamment le régime français de conservation des données de connexion par les opérateurs de communication électronique à des fins de renseignement et de police judiciaire.

En effet, la Quadrature du Net, French Data network, la fédération des fournisseurs d’accès à Internet et Igwan.net (associations de défense des libertés des utilisateurs de services de communications électroniques) ont saisi le Conseil d’Etat (en France) par voie de requêtes en date des 1er septembre et 30 novembre 2015, et du 16 mars 2016 tendant notamment à l’annulation de la réglementation française comme étant contraire notamment aux dispositions de l’article 15 de la Directive 2002/58 dite Directive ePrivacy.

Et c’est le Conseil d’Etat qui a saisi la Cour de Justice de l’Union européenne de questions préjudicielles.

Ces associations de défense militent activement pour la liberté et le respect de la vie privée sur Internet, et considèrent que les décrets pris en application de la Loi renseignement n°2015-912 du 24 juillet 2015 sont contraires au droit de l’Union Européenne et à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 2000/ C 364/ 01 adoptée le 7 décembre 2000.

Les développements de la Cour en lien avec la législation belge ne seront donc pas l’objet du présent commentaire.

A la faveur de cet arrêt fleuve (65 pages), la CJUE ré-affirme la position de principe qu’elle avait déjà adoptée, dans son arrêt Télé2 (CJUE, 21 décembre 2016, C-203/15 et C-698/15) et à la faveur duquel elle avait jugé qu’était contraire au droit européen « une réglementation nationale prévoyant, à des fins de lutte contre la criminalité, une conservation généralisée et indifférenciée de l’ensemble des données relatives au trafic et des données de localisation de tous les abonnés et utilisateurs inscrits concernant tous les moyens de communication électronique ».

A nouveau, elle confirme que des dispositions nationales ne peuvent pas imposer aux fournisseurs de services de communications électroniques une obligation de conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et à la localisation, à titre préventif. En effet, l’article 15 alinéa 1 de la Directive ePrivacy s’oppose à de telles pratiques, trop attentatoires à la vie privée des utilisateurs de ses services. Toutefois, elle considère que l’article 15 précité ne s’oppose pas à ce que les Etats-membres puissent adopter des mesures législatives faisant exception au principe ainsi rappelé, dans des circonstances particulières tirées de la sauvegarde de la sécurité nationale, et entourées de garanties suffisantes dans le respect du principe de proportionnalité, fixé à l’article 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’union européenne.

Le contrôle de proportionnalité opéré par la Cour de Justice porte sur le droit au respect de la vie privée et l’objectif de sécurité nationale poursuivi par les Etats-membres.

La Cour de Justice de l’Union Européenne, saisie par le tribunal chargé des pouvoirs d’enquêtes au Royaume-Uni (Investigatory Powers Tribunal) a rendu un second arrêt le même jour, dans une affaire C-623/17, prise au regard de la réglementation anglaise et portant sur la même question.

La présente étude portera uniquement sur les 2 premières questions posées à la Cour de justice dans l’affaire C-511/18 et C-512/18[1], relevant de l’interprétation de l’article 15 alinéa 1 de la Directive 2002/58 du 12 juillet 2002.

A titre liminaire, quelques remarques s’imposent :

  • Sur l’état du droit en France (i)
  • Quant à la nature des données concernées (ii)
  • Quant à l’application de la directive 2002/58 (iii)

i)  Le droit positif en France

Le droit français[2], en l’état, impose aux fournisseurs de services de communications électroniques et aux hébergeurs de conserver les données relatives au trafic, les informations permettant d’identifier les utilisateurs, celles relatives aux équipements utilisés et les données de localisation, pendant une durée d’un an à compter de leur enregistrement.

L’accès à ces données est strictement limité aux autorités judiciaires, et services de renseignements, et contrôlé par la Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement. En outre, ces données doivent être conservées dans le respect de la réglementation applicable aux traitements de données à caractère personnel.

En outre, le Code de la sécurité intérieure[3] a consacré l’utilisation de « boîtes noires » par les services de renseignements dans le strict cadre de la lutte contre le terrorisme, mettant en œuvre des systèmes de traitements automatisés (algorithme) fonctionnant par mots-clés susceptibles de détecter des connexions pouvant révéler une éventuelle menace en lien avec une activité terroriste.

ii)  Quant à la nature des données

La Cour a pris soin de rappeler que les données objet des réglementations contestées étaient les suivantes :

« en particulier, celles qui sont nécessaires pour retrouver la source d’une communication et la destination de celle-ci, déterminer la date, l’heure, la durée et le type de la communication, identifier le matériel de communication utilisé ainsi que localiser les équipements terminaux et les communications, données au nombre desquelles figurent, notamment, le nom et l’adresse de l’utilisateur, les numéros de téléphone de l’appelant et de l’appelé ainsi que l’adresse IP pour les services internet » (pt 82)

Les données relatives au contenu même des communications sont donc exclues du champ des réglementations examinées par la Cour.

Pour mémoire, la confidentialité de ces contenus est prévue et garantie par l’article 5 de la Directive ePrivacy [4].

iii)  Quant à l’application de la Directive ePrivacy

Une fois la nature des données concernée, s’est posée la question de l’application de la Directive 2002/58 aux réglementations nationales permettant la conservation de ces données, et dont la finalité est la sauvegarde de la sécurité nationale.

En effet, le gouvernement français a fait valoir que les activités des services de renseignements nationaux concourant au maintien de l’ordre public et à la sécurité intérieure relèveraient des compétences réservées des Etats-membres, en application de l’article 4 du Traité sur l’Union Européenne qui prévoit :

    1. Conformément à l’article 5, toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres.
    2. L’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. En particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre.

Le gouvernement français tentait ainsi d’échapper au droit de l’Union européenne et au contrôle de la Cour de Justice de l’Union européenne, en arguant de ce que les questions sécuritaires relevaient des fonctions essentielles des Etats-membres en application de l’alinéa 2 précité.

Toutefois, la Cour de justice n’a pas fait droit à l’argumentation soutenue, et a jugé :

« bien qu’il appartienne aux États membres de définir leurs intérêts essentiels de sécurité et d’arrêter les mesures propres à assurer leur sécurité intérieure et extérieure, le seul fait qu’une mesure nationale a été prise aux fins de la protection de la sécurité nationale ne saurait entraîner l’inapplicabilité du droit de l’Union ».

En conséquence, la CJUE retient qu’ « une réglementation nationale imposant aux fournisseurs de services de communications électroniques de conserver les données relatives au trafic et des données de localisation aux fins de la protection de la sécurité nationale et de la lutte contre la criminalité, telle que celles en cause en principal, relève du champ d’application de la directive 2002/58. ».

La compétence est donc communautaire en la matière, et il appartient aux législations nationales de s’y conformer.

Reste à interpréter les règles imposées par le droit communautaire, tache assignée à la Cour de justice de l’Union Européenne.

Le Conseil d’Etat a, à la faveur de la première question préjudicielle, interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 15 alinéa 1 de la directive 2002/58 s’oppose à une réglementation nationale imposant aux fournisseurs de services de communication électroniques, à des fins prévues à cet article 15 et notamment à des fins de sécurité publique (lutte contre le terrorisme), une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation.

L’article 15 de la Directive ePrivacy est le suivant :

« 1. Les États membres peuvent adopter des mesures législatives visant à limiter la portée des droits et des obligations prévus aux articles 5 et 6, à l’article 8, paragraphes 1, 2, 3 et 4, et à l’article 9 de la présente directive lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nécessaire, appropriée et proportionnée, au sein d’une société démocratique, pour sauvegarder la sécurité nationale – c’est-à-dire la sûreté de l’État – la défense et la sécurité publique, ou assurer la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d’infractions pénales ou d’utilisations non autorisées du système de communications électroniques, comme le prévoit l’article 13, paragraphe 1, de la directive 95/46/CE. À cette fin, les États membres peuvent, entre autres, adopter des mesures législatives prévoyant la conservation de données pendant une durée limitée lorsque cela est justifié par un des motifs énoncés dans le présent paragraphe. Toutes les mesures visées dans le présent paragraphe sont prises dans le respect des principes généraux du droit communautaire, y compris ceux visés à l’article 6, paragraphes 1 et 2, du traité sur l’Union européenne.

2. Les dispositions du chapitre III de la directive 95/46/CE relatif aux recours juridictionnels, à la responsabilité et aux sanctions sont applicables aux dispositions nationales adoptées en application de la présente directive ainsi qu’aux droits individuels résultant de la présente directive. »

La CJUE s’est donc prononcée sur l’interprétation de l’article 15 de la Directive ePrivacy, et sa portée (I), et examiné les dispositions nationales prévoyant la mise en place de mesures de conservation à titre préventif, au regard des principes dégagés (II et III).

I.     Sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1 de la Directive (ou de l’exercice périlleux de la conciliation des intérêts divergents)

La Cour rappelle au point 105 que « il est de jurisprudence constante que, afin d’interpréter une disposition du droit de l’Union, il convient non seulement de se référer aux termes de celle-ci, mais également de tenir compte de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ainsi que de prendre en considération, notamment, la genèse de cette réglementation. »

La méthodologie est claire : revenir à l’esprit du texte.

La Directive ePrivacy a été adoptée afin de protéger les données personnelles des utilisateurs de services de communications électroniques et leur vie privée, eu égard aux capacités accrues de stockage et de traitement automatisé de données de l’environnement numérique.

L’objectif poursuivi par ladite Directive est le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et consacrés à ses articles 7 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 8 (protection des données à caractère personnel).

Ainsi, l’article 5 de la directive consacre le principe de confidentialité des communications électroniques et des données de trafic, outre l’interdiction de stocker par toute autre personne que l’utilisateur, sans le consentement de ce dernier, ses communications et données.

La Cour se fonde ensuite sur l’article 6 de la directive qui permet le traitement et le stockage des données de trafic par les fournisseurs de service de communications électroniques, le temps nécessaire à la commercialisation des services et leur facturation. Au-delà, lesdites données doivent être effacées ou anonymisées.

Quant aux données de localisation, l’article 9 de la directive ne prévoit leur traitement que sous certaines conditions, et sous réserve d’être anonymisées ou d’avoir reçu le consentement de la personne concernée.

La Cour rappelle donc (pt 109) :

« […] le législateur de l’Union a concrétisé les droits consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte de telle sorte que les utilisateurs des moyens de communications électroniques sont en droit de s’attendre, en principe, à ce que leurs communications et les données y afférentes restent, en l’absence de leur consentement, anonymes et ne puissent pas faire l’objet d’un enregistrement ».

Les principes étant rappelés, la Cour considère, compte tenu de la rédaction de l’article 15 paragraphe 1 précité et de l’esprit même de la directive ePrivacy, que les Etats-membres ont la possibilité d’introduire des exceptions aux principes sus-définis lorsque :

« […] une telle limitation constitue une mesure nécessaire, appropriée et proportionnée, au sein d’une société démocratique, pour sauvegarder la sécurité nationale, la défense et la sécurité publique, ou assurer la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d’infractions pénales ou d’utilisations non autorisées du système de communications électroniques. A cette fin, les Etats-membres peuvent, entre autres, adopter des mesures législatives prévoyant la conservation des données pendant une durée limitée lorsque cela est justifié par l’un de ces motifs. » (pt 110)

En conséquence, la Cour de juger que l’article 15 alinéa 1 de la directive, lu à la lumière des articles 7, 8, 11 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne s’oppose pas à ce qu’une mesure législative puisse porter atteinte à ces principes, par exception.

Toutefois, elle rappelle avec force que ces atteintes doivent rester exceptionnelles, et ne peuvent devenir la règle (pt 111) ; et que cette exception doit être interprétée strictement et s’appliquer dans le respect du sacro-saint principe de proportionnalité.

Au regard de tout ce qui précède, la Cour à juste titre, précise que :

« la conservation des données relatives au trafic et des données de localisation constitue, par elle-même, d’une part, une dérogation à l’interdiction prévue à l’article 5 de la directive […], et d’autre part une ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel. » (pt 115)

La Cour considère à cet égard qu’il n’y pas lieu de distinguer selon que les données sont sensibles ou non, selon qu’il existe un préjudice ou non pour la personne concernée, selon qu’elles aient été effectivement utilisées ou non. La seule conservation de ces données de connexion, de trafic et de localisation par les fournisseurs de services constitue, selon la Cour, une atteinte aux droits susvisés, et comporte des risques d’abus et d’accès illicite. Elle doit donc rester exceptionnelle.

Elle prend soin également de préciser que les droits prévus par la Charte ne sont pas absolus, en application de son article 52[5], et que ces droits individuels consacrés aux articles 7 (vie privée), 8 (respect des données personnelles) et 11 (liberté d’expression) de la Charte doivent être mis en balance avec le droit à la sûreté et les objectifs de sécurité nationale et de lutte contre la criminalité grave qui incombent aux Etats afin de protéger les libertés et la sécurité/ la sûreté individuelles.

En effet, l’article 6 de la Charte consacre le droit de toute personne à la liberté mais encore à la sûreté.

La Cour précise qu’il convient donc de « procéder à une conciliation nécessaire des différents intérêts et droits en cause. » (pt 127)

Ainsi, toute mesure tendant à limiter la portée des droits prévus aux articles 5, 6 et 9 de la Directive ePrivacy est interdite si elle se fait de manière indifférenciée et systématique, mais devient possible, sous réserve que :

  • Elle soit prévue par la loi ;
  • La disposition législative réponde à un objectif précis de sécurité nationale, lutte contre la criminalité ou le terrorisme,
  • La limitation des droits se fasse dans le respect du principe de proportionnalité, c’est-à-dire que la mesure soit « rigoureusement » proportionnée au but poursuivi (pt 129)
  • Les droits garantis par la Charte (articles 7,8,11) soient respectés. Cela suppose des règles claires et précises quant à la portée de la limitation, et des garanties suffisantes permettant de limiter les risques d’abus.

Le principe supporte donc des exceptions.

II.    Sur les mesures législatives prévoyant la conservation préventive des données relatives au trafic et des données de localisation aux fins de la sauvegarde nationale (pt 134 à 139)

C’est la première fois que la Cour de justice a été amenée à examiner et interpréter les dispositions de la directive ePrivacy au regard de l’objectif de sauvegarde de la sécurité nationale.

Elle relève que cet objectif de sécurité nationale est de la responsabilité de chaque Etat-membre, comme étant une fonction essentielle de l’Etat, qui inclut, afin de préserver les intérêts de la société : « la prévention et la répression d’activités de nature à déstabiliser gravement les structures constitutionnelles, politiques, économiques ou sociales fondamentales d’un pays, et en particulier à menacer directement la société, la population ou l’Etat en tant que tel, telles que notamment des activités de terrorisme. » (pt 135)

La Cour considère que cet objectif de sécurité nationale prime les autres objectifs visés à l’article 15 paragraphe 1 de la directive, et notamment les objectifs de lutte contre la criminalité même grave, et la sauvegarde de la sécurité publique. De telle sorte qu’elle admet que l’objectif de sauvegarde de la sécurité nationale est susceptible de justifier des mesures comportant des ingérences dans les droits fondamentaux plus graves que celles pourraient justifier les autres objectifs.

Ainsi, dans des situations répondant à l’objectif de sauvegarde nationale poursuivi, l’article 15 paragraphe 1 ne s’oppose pas, par exception, à ce que les données de trafic et de localisation de l’ensemble des utilisateurs soient conservées de manière indifférenciée par les fournisseurs de services de communications électroniques.

Les conditions fixées par la Cour, pour que la mise en œuvre d’un tel traitement soit valable, sont les suivantes :

  • Une injonction délivrée par les autorités compétentes aux fournisseurs :
  • Conservation de ces données pendant une durée limitée, renouvelable le cas échéant en cas de persistance de la menace,
  • L’existence de circonstances concrètes permettant de considérer que l’Etat membre fait face à une menace grave, réelle, actuelle ou prévisible mettant en péril la sauvegarde de la sécurité nationale ;

C’est l’existence même d’une telle menace qui légitime la conservation de manière indifférenciée des données des utilisateurs, sans qu’il y ait lieu d’établir de rapport entre la menace identifiée et les utilisateurs concernés.

Enfin, une telle conservation généralisée et indifférenciée de données à titre préventif, doit être encadrée par des garanties strictes.

La Cour considère que l’injonction prise par l’autorité compétente doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle effectif par une juridiction ou une autorité administrative indépendante, dont la décision a un effet contraignant.

Et ce recours doit avoir pour objet de vérifier le respect des conditions de fond et de forme de la mesure objet de l’injonction.

La Cour fixe ainsi le cadre strict que les Etats-membres doivent respecter pour mettre en place, à titre préventif, des mesures de conservation de données de connexion, de localisation et de trafic de manière indifférenciée et généralisée, puisque par principe « à titre préventif, une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation » est contraire à la réglementation européenne.

La Cour confirme donc la position adoptée en 2016, dans l’arrêt Télé2, à la faveur de laquelle elle avait jugé qu’était contraire au droit européen « une réglementation nationale prévoyant, à des fins de lutte contre la criminalité, une conservation généralisée et indifférenciée de l’ensemble des données relatives au trafic et des données de localisation de tous les abonnés et utilisateurs inscrits concernant tous les moyens de communication électronique ».

Elle affine, dans cet arrêt, le cadre des exceptions à ce principe.

III.    Sur les mesures législatives prévoyant la conservation préventive des données relatives au trafic et des données de localisation aux fins de lutte contre la criminalité et de la sauvegarde de la sécurité publique (pt 140 à 151)

L’article 15 paragraphe 1 de la directive ePrivacy vise d’autres objectifs de prévention, de recherche, de détection et de poursuite d’infractions pénales.

Cependant, et eu égard au principe de proportionnalité, seules la lutte contre la criminalité grave et la prévention des menaces graves contre la sécurité publique (à l’exclusion des autres objectifs) sont de nature à justifier des atteintes au respect la vie privée et à la protection des données personnelles, telles que celles qu’implique la conservation de données de trafic et des données de localisation.

La poursuite de ces objectifs de criminalité grave, dont on ignore les contours (…), et de menaces graves contre la sécurité publique (pas plus définies) ne saurait toutefois justifier une conservation systématique et continue des données de trafic et de localisation, qui excèderait les limites du strict nécessaire.

La Cour hiérarchise les intérêts publics et collectifs poursuivis par les Etats-membres, dont le degré d’importance justifie le degré d’ingérence dans les droits fondamentaux.

La Cour précise que le principe de proportionnalité serait respecté par une mesure permettant, « à titre préventif, une conservation ciblée des données relatives au trafic et des données de localisation » dans le cadre de la lutte contre la criminalité grave, sous réserve qu’elle soit limitée au strict nécessaire s’agissant :

  • Des catégories de données à conserver ;
  • Des moyens de communication visés ;
  • Des personnes concernées ;
  • De la durée de conservation.

Quant à la délimitation des personnes concernées, elle doit se faire à partir de critères objectifs permettant de viser des personnes considérées comme présentant une menace pour la sécurité ou susceptibles d’avoir un lien avec des actes de criminalité grave ou de prévenir un risque grave pour la sécurité publique.

Une délimitation peut également, au sens de la décision, être fondée sur un critère géographique déterminé à partir d’éléments objectifs et non-discriminatoires laissant présager un risque élevé de préparation ou de commission d’actes de criminalité grave, ou encore des lieux stratégiques tels que gare ou aéroport.

Si le raisonnement se tient sur le plan juridique, il est évident que la mise en œuvre de tels critères se heurtera à d’importantes difficultés pratiques : où commence la criminalité grave ? qu’est-ce qu’une zone particulièrement exposée à la commission d’actes de criminalité grave ?

Autant de questions auxquelles les législateurs nationaux devront répondre.

Toutefois, la Cour de justice prévoit une gradation, et seule une conservation ciblée des données est autorisée dans l’hypothèse de criminalité grave ou de risque grave pour la sécurité publique. Ces objectifs ne pourront donc pas justifier de conservation indifférenciée.

La Cour de Justice de l’union européenne dans cette première affaire s’intéresse également au sort des adresses IP et données relatives à l’identité civile aux fins de lutte contre criminalité et la sauvegarde de l’utilité publique (question non commentée ici).

En conclusion.

Cette décision divisera sans nul doute.

D’un côté, les fervents défenseurs des droits et libertés des utilisateurs de communications électroniques, et de l’autre, les responsables de la sécurité publique en charge de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme qui militent pour une conservation généralisée et préalable des données à titre préventif.

La Quadrature du net dans un communiqué de presse[6] publié le 6 octobre 2020 intitulé « Surveillance : une défaite victorieuse » s’exprimait ainsi :

« Le droit français se retrouve ainsi en contradiction flagrante avec la décision de la CJUE : le principe de conservation généralisée est refusé par la Cour alors qu’il est la règle en droit français. La Cour acte que les mécanismes français de contrôle des services de renseignement ne sont pas suffisants, et nous veillerons lors de la réforme annoncée du droit français à ce que les garde-fous nécessaires soient renforcés. »

L’association se réjouit que cet arrêt mette un coup d’arrêt à la surveillance de masse mise en œuvre par la législation française dont elle dénonçait l’illégalité à la faveur de la saisine du Conseil d’état.

Cette position est donc plus protectrice et respectueuse de la vie privée.

L’avocat de l’association pourra se féliciter, dès lors qu’il déclarait début 2020 :

 « Qu’il puisse y avoir une surveillance ciblée de personnes dangereuses ou soupçonnées de l’être, c’est une chose […] Mais conserver toutes les traces de connexion de manière indifférenciée pendant des périodes aussi longues, c’est de la surveillance de masse, contraire à l’État de droit ».

Toutefois, la Quadrature du net a également manifesté sa déception considérant que si le principe d’interdiction de conservation généralisée des données de trafic et de connexion est donc confirmé, il n’en demeure pas moins que de nombreuses exceptions persistent, susceptibles de dégénérer en abus selon elle.

La voix de des magistrats du parquet s’est fait entendre sur le sujet par l’intermédiaire de Monsieur François MOLINS, à la tête du Parquet de Paris pendant 7 ans en matière d’anti-terrorisme et de lutte contre la criminalité organisée. Il s’était exrpimé le 3 avril 2019 à l’occasion d’une conférence organisée par la Fondation Robert Schuman et l’Institut Max Planck[7], ayant pour thème : « La protection des citoyens européens dans un monde ultra-connecté ».

Il avait alors fait part de son inquiétude quant à la position de la Cour de Justice de l’Union Européenne sur la problématique de conservation des données de trafic et de localisation dans les communications électroniques, et de son arrêt Télé 2 (CJUE, 21 déc.2016, C-203/15 et C-698/15).

En effet, il avait notamment alerté sur le fait que ces décisions si elles étaient juridiquement compréhensibles, étaient totalement déconnectées de la réalité du terrain dans la mesure où il soutenait que « La conservation des données et un accès contrôlé mais fluide apparaissent ainsi désormais comme le préalable au succès des investigations de droit commun, en criminalité organisée et bien sûr en terrorisme. »

Il soulignait également que la confirmation de la position de la CJUE fixée dans l’arrêt Télé2 et une interprétation stricte de cette position adoptée par les législations nationales seraient susceptibles de porter un coup d’arrêt à des enquêtes pénales actuellement en cours, et que la nullité subséquente de certains actes de procédure pourrait avoir des conséquences irréversibles sur ces investigations.

Monsieur MOLINS, pendant son interlocution, avait résumé la problématique ainsi :

« Le choix juridique qui s’impose à nos démocraties ne doit pas être protection de la vie privée versus arrestation des criminels et des terroristes. Le choix juridique doit être celui de la protection de la vie privée par la garantie d’un accès juridictionnellement encadré aux données conservées. La prévention des atteintes à l’ordre public est en effet nécessaire à la sauvegarde des droits et à l’exercice des libertés de nos concitoyens. »

Cela semble être le souci de la Cour également, tel que cela ressort de la décision.

Toutefois, les magistrats du parquet verront-ils d’un bon œil le principe réaffirmé de l’interdiction de la conservation indifférenciée des données de localisation à titre préventif, arme indispensable selon Monsieur MOLINS, et la mise en œuvre des exceptions.

En toute hypothèse et quelles que soient les divergences de points de vue, il convient désormais d’attendre la décision du Conseil d’Etat prise sur le fondement de l’arrêt de la CJUE en date du 6 octobre 2020 qui se prononcera sur la légalité des textes soumis au regard de cette nouvelle interprétation de l’article 15 paragraphe 1 de la Directive ePrivacy, et aura donc à examiner les garanties présentées par le droit français afin de déterminer si elles sont suffisantes au regard des exigences posées par la Cour de justice.

[1] Jusqu’au point 151 de l’arrêt du 6 octobre 2020, qui en comporte 229

[2] Article L.34-1 CPCE et article R.10-13 CPCE ; art.6II Loi n°2004-575

[3] Article L.851-3 CSI

[4] Confidentialité des communications ; 1. Les États membres garantissent, par la législation nationale, la confidentialité des communications effectuées au moyen d’un réseau public de communications et de services de communications électroniques accessibles au public, ainsi que la confidentialité des données relatives au trafic y afférentes. En particulier, ils interdisent à toute autre personne que les utilisateurs d’écouter, d’intercepter, de stocker les communications et les données relatives au trafic y afférentes, ou de les soumettre à tout autre moyen d’interception ou de surveillance, sans le consentement des utilisateurs concernés sauf lorsque cette personne y est légalement autorisée, conformément à l’article 15, paragraphe 1. Le présent paragraphe n’empêche pas le stockage technique nécessaire à l’acheminement d’une communication, sans préjudice du principe de confidentialité.

[5] « 1. Toute limitation à l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. »

[6] https://www.zdnet.fr/actualites/donnees-de-connexion-la-cjue-veut-ramener-la-france-dans-le-giron-europeen-39910799.htm

[7] https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0510-la-protection-des-citoyens-europeens-dans-un-monde-ultra-connecte

Stéphane BAIKOFF 

Avocate Associée

Article paru dans la revue Expertises – Décembre 2020

Salon de la DATA 15 Décembre 2020

Pour la quatrième année consécutive, Stéphane BAÏKOFF interviendra au Salon de la Data, formule 100% digitale, le 15 décembre 2020

Elle animera à 9h une conférence dont le thème est « Une base de données est un oignon juridique : comment l’éplucher sans pleurer ? »

Les bases de données sont composées de plusieurs « couches » juridiques, chacune avec un régime propre dont il faut savoir tenir compte pour les protéger, les exploiter, les distribuer etc.

Il s’agit en effet d’objets juridiques complexes pouvant mêler des problématiques liées aux droits d’auteur et logiciels, droits des producteurs de bases de données, réglementation en matière de données personnelles (RGPD & e-privacy) etc.

Une approche concrète et transverse de ces différents thèmes afin de vous aider à comprendre les enjeux et limiter les risques juridiques en lien avec l’exploitation des bases de données.

Les inscriptions se font en ligne.

Débute le 15 décembre à 09 h 00

Termine le 15 décembre à 10 h 00

Vidéosurveillance de salariés – Condamnation par la CNIL

Vidéosurveillance des salariés – Dispositif sensible – la CNIL condamne une TPE à une amende de 20 000 €

Le 13 juin 2019, la CNIL dans la délibération de sa formation restreinte n° SAN-2019-006 a notamment prononcé une amende de 20 000 € à l’encontre d’une TPE employant 9 salariés, et spécialisée dans la traduction libre et assermentée, pour avoir mis en place en son sein un système de vidéosurveillance des salariés ne répondant pas aux exigences du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD (UE) 2016/679).

La vidéosurveillance se définit par la mise en place d’un système d’enregistrement vidéo disposé dans un endroit public ou privé afin de pouvoir le surveiller à distance.

La réglementation applicable est distincte selon que le dispositif de surveillance est installé dans un espace public ou privé. Le premier relevant des dispositions du Code de la sécurité intérieure et de la Loi informatique et Libertés/ Règlement (UE) 2019/679, tandis que le second relève uniquement de la Loi informatique et Libertés / Règlement (UE) 2016/679.

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision de la formation restreinte de la CNIL précitée, quatre plaintes émanant de salariés de la société de traduction avaient été adressées à la CNIL entre 2013 et 2015, lesquelles faisaient état de la mise en place d’un système de vidéosurveillance par l’entreprise ne respectant pas les exigences de l’ancienne Loi informatique et Libertés.

La CNIL avait alors instruit ces plaintes et adressé à la société de traduction, TPE comptant 9 salariés, deux lettres en 2013, puis en 2016, rappelant les règles et bonnes pratiques en matière de vidéosurveillance, notamment quant à la nécessité d’un dispositif ne portant pas une atteinte excessive au respect de la vie privée des salariés.

Pour quasi- unique réponse, la société avait assuré que le dispositif était uniquement destiné à assurer la sécurité des biens et des personnes, et non à contrôler l’activité des salariés.

En 2017, la CNIL recevait quatre nouvelles plaintes des salariés de ladite société se plaignant toujours de l’existence de ce dispositif à l’origine d’une surveillance constante.

C’est dans ce contexte que la Présidente de la CNIL a désigné une délégation pour procéder à un contrôle sur site, le 16 février 2018.

Il est alors apparu que les locaux professionnels étaient équipés de 3 caméras de surveillance, dont une dans le bureau des traducteurs, pièce non accessible au public. Cette dernière caméra filmait en permanence six postes de travail, et une armoire contenant les documents de la société.

Des premiers manquements ont été relevés par les agents de la CNIL, selon procès-verbal notifié à la société le 20 février 2018, consistant dans :

  • L’absence d’information à destination des salariés quant à l’existence du dispositif de vidéosurveillance ;
  • L’existence d’une vidéosurveillance braquée en permanence sur les salariés ;
  • Une durée de conservation des données de manière excessive compte tenu des finalités poursuivies ;
  • Des moyens insuffisants mis en place par la société pour assurer la sécurité et la confidentialité des données quant à l’accès aux postes informatiques et boîte de messagerie.

La société en cause a adressé des éléments de réponse à la CNIL, que cette dernière a jugés insuffisants de telle sorte que la CNIL lui a adressé une mise en demeure, en date du 26 juillet 2018, d’avoir à se mettre en conformité dans un délai de deux mois aux dispositions de :

  • L’article 5.1 c) du Règlement (UE) 2016/679 quant à la proportionnalité du dispositif mis en place par rapport à la finalité poursuivie ;
  • L’article 5.1 e) du Règlement (UE) 20163/679 quant à la durée de conservation des données ;
  • Les articles 12 et 13 du même Règlement quant à l’information des personnes concernées par le traitement ;
  • L’article 32 du Règlement relatif à la sécurité des données (politique de gestion des mots de passe contraignante, accès individualisés aux messageries).

Seuls les trois premiers points spécifiquement liés à la vidéosurveillance des salariés feront l’objet du présent article.

Compte tenu de l’absence de réponse satisfaisante dans sa correspondance du 10 septembre 2018 à la CNIL, des contradictions relevées dans ses différentes argumentations, outre sa volonté affichée de ne pas tenir compte des observations de la CNIL, la société de traduction a été l’objet d’un nouveau contrôle sur site, dans le courant du mois d’octobre 2018, par des agents de la CNIL ayant reçu délégation à cet effet.

Ce contrôle a mis à jour que la situation était restée inchangée, ou presque, par rapport à celle constatée par la CNIL en février 2018.

La CNIL a donc désigné au sein de la formation restreinte un rapporteur qui a, selon rapport du 12 février 2019, repris l’ensemble des manquements au Règlement (UE) 2016/679 relevés à l’encontre de la société de traduction, et proposé à la CNIL de prononcer une amende de 75 000 €, rendue publique.

La séance de la formation restreinte de la CNIL s’est tenue le 18 avril 2019, séance au cours de laquelle la société de traduction a pu faire valoir ses arguments.

A l’issue de la procédure, la CNIL a prononcé une amende de 20 000 € à l’encontre de la société, ainsi qu’une injonction d’avoir à se conformer à l’article 32 du Règlement, et ce, sous astreinte de 200 € par jour.

Cette décision rappelle les règles et bonnes pratiques à respecter s’agissant de la « vidéosurveillance » des salariés, et apporte quelques enseignements à la lumière du Règlement (UE) 2016/679.

1.   Sur le respect du principe de minimisation des données fixé à l’article 5.1c) du Règlement

L’article 5.1 c) du Règlement précise que « Les données doivent être […] adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données). »

La CNIL a rappelé dans cette décision le principe selon lequel « l’utilisation d’un dispositif de vidéosurveillance conduisant à placer des salariés sous une surveillance permanente n’apparaît pas justifiée et doit être considérée comme manifestement excessive et disproportionnée au regard de la finalité déclarée ».

Or, la finalité poursuivie par la société de traduction était d’assurer la sécurité des personnes et des biens / documents de l’entreprise.

La collecte de données doit, comme le rappelle la CNIL, être proportionnée à la finalité, de telle sorte que le dispositif mis en place doit être strictement nécessaire à l’objectif poursuivi.

Dans la présente affaire, les agents de la CNIL avaient constaté que la caméra placée dans le bureau des traducteurs était orientée de telle sorte que tous les salariés étaient surveillés de manière continue. Au cours des années 2016- 2017, la CNIL avait sollicité de l’entreprise qu’elle modifie ce dispositif, considérant qu’il était ainsi trop attentatoire à la vie privée des salariés.

La société de traduction avait affirmé avoir fait le nécessaire pour se mettre en conformité.

Toutefois, au cours du second contrôle en octobre 2018, les agents de la CNIL avaient pu se convaincre de l’absence de conformité du dispositif puisque malgré la pose de ruban adhésif sur la caméra, un salarié au moins était filmé de manière constante.

La CNIL a donc pu considérer que les dispositions de l’article 5.1 c) du Règlement n’étaient pas respectées.

Il ressort de cette décision que la proportionnalité du dispositif est appréciée par la CNIL selon les éléments suivants : le nombre de personnels visés, l’emplacement du dispositif de surveillance, son orientation, les périodes de mise en fonctionnement de la caméra, la nature des tâches confiées aux salariés concernés. En outre, il nous semple important de préciser qu’un système, permettant la captation du son en parallèle de la captation d’images, sera considéré par l’autorité de contrôle comme particulièrement intrusif, et sera quasi- systématiquement qualifié de dispositif disproportionné.

Il nous semble, en toute hypothèse, que le critère principal réside dans l’orientation de la caméra sur un ou plusieurs salariés, et ce de manière continue puisque, selon la CNIL dans cette décision, le principe en matière de vidéosurveillance est le suivant : « Si la surveillance de zones sensibles peut être justifiée par des impératifs de sécurité, le placement sous surveillance permanente de salariés, attentatoire à leur vie privée, ne peut toutefois intervenir que dans des circonstances exceptionnelles tenant, par exemple, à la nature de la tâche à accomplir. »

Cette position de la CNIL renvoie à celle déjà adoptée récemment, dans une décision à la faveur de laquelle, en octobre 2018, elle avait mis en demeure le Directeur d’une école privée d’enseignement supérieur de mettre son système de vidéosurveillance en conformité, puisque les étudiants et salariés faisaient l’objet d’une surveillance généralisée et permanente dans l’établissement. (CNIL, déc. N°MED-2018-041, 8 oct.2018)

Doit-on y voir la volonté de l’autorité de contrôle de s’intéresser plus précisément à ces dispositifs ?

Enfin, la CNIL précise ses recommandations quant à la durée de conservation des images issues d’un tel dispositif de vidéosurveillance.

En effet, elle considère, si l’on s’en tient aux informations présentes sur son site (https://www.cnil.fr/fr/cnil-direct/question/videoprotectionvideosurveillance-combien-de-temps-peuvent-etre-conservees-les) que la conservation des images ne doit pas dépasser un mois. Cependant, le plus souvent, quelques jours suffisent au responsable de traitement pour réaliser les vérifications qui s’imposeraient dans l’hypothèse d’un incident.

Dans la présente affaire, la CNIL a jugé, par une appréciation in concreto de la situation, que les images ne pouvaient être conservées au -delà d’un délai de 15 jours, compte tenu de la finalité du traitement destiné à assurer la sécurité des personnes et des biens. En conséquence, il apparaît nécessaire pour tout responsable de traitement de limiter au maximum la durée de conservation de telles images, sauf justification particulière.

Par ailleurs, il nous semble que cette décision est aussi l’occasion de rappeler que l’usage de tels dispositifs de vidéosurveillance ayant pour finalité de « surveiller de manière constante l’activité des salariés », tels que vidéosurveillance portant sur les employés manipulant de l’argent ou encore vidéosurveillance d’un entrepôt stockant des biens de valeur au sein duquel travaillent des manutentionnaires, n’est pas interdit et nécessite la réalisation d’une étude d’impact (Délibération n°2018-327 du 11 octobre 2018). Tel n’était pas le cas dans la présente situation puisque la société avait cantonné le recours au dispositif de surveillance à la sécurité des personnes et des biens. Une étude d’impact sur la vie privée ne s’imposait donc pas en application de l’article 35 du Règlement (UE) 2016/679.

2.   Sur la nécessaire information à délivrer aux salariés en application des articles 12 et 13 du Règlement

L’un des principaux manquements relevés à l’encontre de la société de traduction résidait dans l’absence d’information délivrée aux salariés quant à l’existence de ce dispositif de surveillance dans leur bureau, local non – accessible au public. (…)

Lire la suite de l’article publié dans la revue EXPERTISES

Article publié dans la revue EXPERTISES – Droit, Technologies & Prospectives, septembre 2019 n°449, page 223, par Stéphane Baïkoff – Avocate

Intervention au Salon de la Data 2019 – Nantes

Un salon dédié aux professionnels de la Data et notamment des données personnelles

Le cabinet d’avocats Kacertis sera représenté, le 10 septembre 2019, par Maître Stéphane BAÏKOFF au Salon de la Data 2019.

Elle interviendra, en collaboration avec un confrère, à l’occasion d’une conférence intitulée RGPD : 18 mois après, vous en êtes où ?

Il s’agira de faire un point sur l’action menée par la CNIL et les sanctions prononcées par cette dernière et le Comité Européen de la Protection des Données (European Data Protection Board EDPB) depuis l’entrée en application du Règlement (UE) 2016/679, le 25 mai 2018.

Ainsi, l’intervention portera sur l’identification des bonnes pratiques à mettre en œuvre pour justifier de sa conformité RGPD, et aura pour objet de dégager les tendances à venir en matière de contrôles sur les traitements de données personnelles susceptibles d’être initiés et poursuivis par la CNIL.

Rendez-vous est donc pris le 10 septembre 2019 à la Cité des Congrès – Salle Business & Decision à 11h15 !

Inscriptions : https://www.billetweb.fr/salondata2019  (Evénement gratuit)

Le compteur LINKY et le RGPD font-ils bon ménage ?

Le compteur LINKY et le RGPD font -ils bon ménage ?

Selon une ordonnance de référé du TGI de Bordeaux du 23 avril 2019, le compteur communicant Linky est en conformité RGPD.

Le déploiement des compteurs communicants, compteurs d’électricité et de gaz nouvelle génération, permettant de collecter des données plus fines que les compteurs traditionnels, a soulevé et soulève encore de nombreuses interrogations, quant à d’éventuels risques en matière de santé publique, et quant au respect de la vie privée et des règles relatives aux traitements des données à caractère personnel.

Ces objets sont de plus en plus intégrés à notre quotidien. Ils sont amenés à collecter et à traiter un grand nombre d’informations (parfois en temps réel), comme les données relatives à la consommation d’énergie d’un foyer.

La CNIL, a dès 2012, formulé un grand nombre de recommandations et préconisations à destination des industriels du secteur, dès le stade de la conception de ces outils, afin de protéger la vie privée des personnes utilisatrices. Elle a mené une étude de plus de deux ans en collaboration avec les acteurs du secteur afin de fixer le cadre et les conditions dans lesquelles les données de consommation des personnes peuvent être collectées et traitées (Délibération n° 2012-404 du 15 novembre 2012 portant recommandation relative aux traitements des données de consommation détaillées collectées par les compteurs communicants.)

Déjà, la CNIL avait ainsi su mettre en œuvre et faire appliquer le principe de « privacy by design » consacré désormais à l’article 25 du RGPD (Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016).

La CNIL a ensuite publié un pack de conformité en mai 2014 relatif à ces compteurs communicants, reprenant l’ensemble des obligations devant être respectées par les fournisseurs de ces objets connectés selon 3 scénarii distincts :

  • Scénario 1 « IN- IN » pour lequel la gestion des données collectées dans le logement se fait sans communication vers l’extérieur ; seul l’usager contrôle alors l’usage qui en est fait.
  • Scénario 2 « IN- OUT » à l’occasion duquel les données collectées dans le logement sont transmises vers l’extérieur au prestataire de service notamment ;
  • Scénario 3 « IN- OUT – IN » à la faveur duquel les données sont collectées dans le logement, transmises à l’extérieur pour permettre un pilotage à distance de certains équipements du logement par le prestataire lui –même.

Le compteur communicant LINKY, installé par la société ENEDIS, gestionnaire du réseau de distribution de l’électricité fournie par la société DIRECT ENERGIE, a fait l’objet d’un contrôle de la CNIL, tant au stade de sa conception, qu’au cours de son test, puis de son déploiement.

Ce compteur communicant relève à distance des données de consommation plus fines que celles relevées par les compteurs traditionnels. Il mesure la consommation globale d’électricité du foyer en kilowattheures (quotidienne, par heure, ou encore par demie- heure), sans le détail par appareil électrique (télévision, cafetière, lave- vaisselle, four…)

L’intérêt de cette technologie, mis en avant par les professionnels du secteur, réside dans la possibilité de relever le compteur sans l’intervention d’un technicien à domicile, d’assurer un suivi précis de ses consommations, et de permettre une facturation basée sur sa consommation réelle et non plus sur une estimation.

En octobre 2016, et février 2018, la Présidente de la CNIL avait fait le choix de diligenter des contrôles pour s’assurer de la conformité du dispositif LINKY à la loi. (…) Lire la suite de l’article publié dans la revue EXPERTISES

Article publié dans la revue EXPERTISES – Droit, Technologies & Prospectives, Juin 2019 n°447 page 223, par Stéphane Baïkoff – Avocate

WEB2DAY 2019 : Prospection commerciale et Consentement

A l’occasion du Web2day 2019 de Nantes, Stéphane Baïkoff aura le plaisir d’animer une conférence sur le thème des données personnelles en matière de prospection commerciale.

« Prospection et Consentement : oui, non, noui, ouon ?! »

Cette présentation sera l’occasion de tordre le cou à certaines idées reçues susceptibles de nuire au développement de votre activité … Alors Non, le recueil du consentement n’est pas toujours obligatoire en matière de prospection ! Et Oui, il est temps de faire un point clair, pratique et synthétique sur ce qu’il est possible de faire en B2B, et B2C, et les conditions dans lesquelles le consentement doit être recueilli. Oui ou Non ?

Rendez-vous le 7 juin 2019 – 10h25 Salle Accenture (accès à la billetterie : https://web2day.co/billetterie/)