Y a t-il un risque fiscal à apporter conjointement la nue-propriété et l’usufruit d’un bien à une société holding ?

1.  A l’origine, une réforme destinée à lutter contre des schémas d’optimisation fiscale

Afin de lutter contre des opérations d’optimisation fiscale utilisant des apports ou cessions d’usufruit consentis à titre temporaire à des sociétés, le gouvernement a introduit l’article 13, 5 du code général des impôts dont les dispositions sont applicables aux opérations réalisées depuis le 14 novembre 2012.

L’objectif du texte était de mettre fin à l’utilisation de schémas destinés à utiliser la différence de traitement fiscal entre une plus-value et un revenu.

Ainsi, par dérogation aux dispositions du Code général des impôts relatives à l’imposition des plus-values, le produit de la cession (ou de l’apport)  d’un usufruit à durée fixe est imposable par principe à l’impôt sur le revenu au barème progressif.

Cette disposition se révèle extrêmement dissuasive, mais son champ d’application demeurait jusque là imprécis.

2. La problématique particulière liée aux apports conjoints de droits démembrés

L’administration fiscale ne s’était en effet pas prononcée sur les opérations d’apports consistant à apporter de façon conjointe l’usufruit et la nue-propriété d’un bien à une société.

Le déroulement d’une telle opération peut être le suivant :

1. Des parents font une donation de la nue-propriété d’actions à leurs deux enfants, les parents se réservant un usufruit viager ;

2. les parents et les enfants apportent leurs droits respectifs à une société holding, avec  report ou non du démembrement sur les titres émis par la société holding.

Cette opération a pour objet d’organiser un actionnariat familial mais ne vise en aucun cas un but d’optimisation fiscale.

La doctrine était partagée sur le traitement fiscal qui devait être réservé à une opération de ce type et appelait à un éclaircissement. Une première réponse parlementaire avait contribué à semer le doute (Rép. Lambert : AN 2-7-2013 p. 6919 no 15540).

3. La mise au point attendue de l’administration

L’administration a procédé à une mise à jour de sa base BOFIP le 5 août dernier dans un sens favorable au contribuable (du moins sur ce point précis).

L’administration considère qu’il convient de distinguer :

– si l’usufruit est constitué sur la tête de la société, c’est-à-dire qu’il est détaché de la pleine propriété du cédant (ou apporteur), alors l’opération entre dans le champ d’application du dispositif, l’usufruit étant nécessairement consenti pour une durée fixe ;

– si l’usufruit est préconstitué sur la tête du cédant (ou apporteur) antérieurement à la cession (ou apport) à la société, l’opération porte sur un usufruit viager et, à ce titre, n’entre pas dans le champ d’application du dispositif, à moins que l’usufruit ne soit consenti pour une durée fixe.

En conséquence, il est désormais établi que l’apport conjoint de la nue-propriété et de l’usufruit à une société n’entre pas dans le champ d’application de l’article 13,5 du code général des impôts, sauf stipulation d’un usufruit à durée fixe (ce qui ne sera pas le cas en pratique).

Pour prendre connaissance de l’intégralité des commentaires de l’administration:

http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/10233-PGP.html?identifiant=BOI-IR-BASE-10-10-30-20150805