L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations entre en vigueur d’ici quelques jours (1er octobre 2016).
Elle opère une refonte importante du droit des contrats.
L’attention du praticien sera plus particulièrement attirée sur l’entrée dans le Code civil de la promesse unilatérale et du pacte de préférence, deux figures que l’on retrouve fréquemment dans les pactes d’associés.
Ces derniers bénéficieront d’une sécurité juridique accrue, peut-être davantage d’ailleurs en ce qui concerne la question des promesses unilatérales.
1. L’impossible révocation de la promesse unilatérale : enfin la sérénité !
La promesse unilatérale est désormais définie au 1er alinéa article 1124 du Code civil comme le contrat « le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ».
La définition a le mérite de la clarté. Mais ce n’est pas là que réside l’innovation.
Elle réside en réalité au 2ème et 3ème alinéa de ce même article :
« La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis.
Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul ».
Grâce à ces deux alinéas, les praticiens retrouvent le sourire.
En effet, la solution qui est désormais consacrée par le Code civil condamne définitivement la position retenue par la Cour de cassation depuis de (trop) longues année et au terme de laquelle le promettant à la promesse pouvait révoquer sa promesse tant que le bénéficiaire n’avait pas levé l’option.
La solution retenue par la Cour de cassation rendait la promesse unilatérale peu sûre… puisque la « vie » de la promesse, son efficacité même, était subordonnée à la seule volonté du promettant.
Désormais, la révocation de la promesse par le promettant versatile ne sera pas un frein à la formation du contrat promis.
Surtout, le contrat qui viendrait quand même à être conclu en contravention avec la promesse serait frappé de nullité.
A n’en pas douter, ce nouvel article 1124 du Code civil constitue une des innovations remarquables de l’ordonnance du 10 février 2016.
A noter, dernier point, que cette nouvelle règle s’appliquera aux seuls contrats conclus à compter du 1er octobre 2016. Toutefois, certains s’interrogent déjà sur un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation et donc, in fine, sur une application de cette nouvelle règle aux promesses conclues antérieurement à cette date.
2. La consolidation du régime juridique du pacte de préférence : l’efficacité en clair-obscur !
Le Code civil définit désormais le pacte de préférence à l’article 1123 du Code civil comme « le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ».
L’apport de la réforme, au-delà d’avoir introduit une définition du mécanisme dans le Code civil, réside principalement dans les sanctions en cas de violation du pacte.
En effet, l’alinéa 2 du même article dispose que « lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu ».
Dès lors, deux hypothèses s’offrent à nous en cas de violation du pacte :
- Dans l’hypothèse où le tiers est de bonne foi (ignorant l’existence du contrat), le bénéficiaire pourra seulement obtenir des dommages et intérêts,
- Dans l’hypothèse où le tiers est de mauvaise foi, le bénéficiaire pourra obtenir à la fois des dommages et intérêts mais, et surtout, agir en nullité et demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu,
Les solutions désormais consacrées par le Code civil ne sont pas nouvelles puisque retenues par la Cour de cassation depuis de nombreuses années.
En pratique, la situation du bénéficiaire évincé confronté à un tiers de mauvaise foi ne sera pas forcément plus confortable qu’auparavant : le texte de l’article 1123 (comme la jurisprudence antérieurement) impose au bénéficiaire du pacte d’apporter la preuve de ce que le tiers avait connaissance (i) de l’existence du pacte et, surtout, que (ii) ce tiers était au courant de « l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ».
La preuve peut s’avérer ardue…
En réalité, concernant le pacte de préférence, l’innovation la plus intéressante réside dans l’instauration d’une action interrogatoire destinée à mettre fin aux situations de non-dit et d’incertitude.
Désormais, le « tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir ».
A défaut de réponse du bénéficiaire dans ce délai raisonnable, le tiers en question peut conclure en toute sécurité le contrat objet du pacte de préférence. En effet, le silence gardé par le bénéficiaire l’empêchera plus tard de solliciter la nullité du contrat ou sa substitution au contrat conclu.