Plus-values de cession : Précisions de l’administration fiscale sur l’abattement renforcé

Pierre Gauchard - Avocat Nantes

Alors que le projet de loi de finances pour 2018 va certainement remettre en cause l’ensemble des règles régissant le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières (notamment les parts et actions), l’administration apporte des précisions bienvenues sur l’application du régime des abattements renforcés.

Il convient de rappeler qu’en l’état, le projet de loi de finances prévoit que les contribuables pourront toujours opter pour le système de l’abattement renforcé pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018.

 1.Rappel concernant le dispositif d’abattement renforcé

L’article 150-0 D  1 quater B du code général des impôts permet de bénéficier d’un abattement renforcé sur les plus-values de cession de titres de PME au sens communautaire.

En cas d’application de ce dispositif, les plus-values sont réduites d’un abattement égal à :

  • 50 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins un an et moins de quatre ans à la date de la cession ;
  • 65 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans à la date de la cession ;
  • 85 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession.

N.B: l’abattement simple s’applique à défaut, avec un abattement maximum de 65%.

En vue de bénéficier de cet abattement renforcé, la société dont les titres sont cédés doit notamment être créée depuis moins de dix ans et ne doit pas être pas issue d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes, ces conditions s’appréciant à la date de souscription ou d’acquisition des droits cédés.

Dans une précédente réponse ministérielle, l’administration avait précisé que le bénéfice de l’abattement n’est pas ouvert aux entreprises qui reprennent une activité existante et que le fait que l’activité préexistante reprise par une entreprise appartienne intégralement à un tiers est sans influence sur l’application du texte (Rép. Duby-Muller : JOAN 27 janvier 2015, p.604, n° 59657).

 2. Une précision en ce qui concerne la date d’appréciation de la condition

Dans une réponse ministérielle du 17 septembre 2017, l’administration fiscale précise que la circonstance qu’une PME, remplissant par ailleurs toutes les autres conditions d’éligibilité prévues par la loi, ait acquis un fonds de commerce préexistant plusieurs années après sa constitution, dans le cadre d’une opération de croissance externe, n’est en principe pas de nature à priver le contribuable cédant du bénéfice du régime des abattements pour durée de détention renforcés.

L’administration précise que cette condition est appréciée « à la date de la constitution de la société dont les titres ou droits sont cédés », alors que le texte dispose que la condition doit s’apprécier « à la date de souscription ou d’acquisition des titres ».

L’administration fiscale semble par conséquent avoir une position qui va au-delà de ce que prévoit la loi, dans un sens favorable au contribuable.

Les exemples suivants permettent de se faire une idée de la problématique en cause:

Exemple 1 :

a- un associé souscrit des titres d’une société nouvelle le 3 janvier 2010.

b- cette société réalise une croissance externe en 2011.

Dans cette hypothèse, si les autres conditions sont remplies, le contribuable pourra bénéficier de l’abattement renforcé de 85% en cas de cession de ses titres à compter du 4 janvier 2018.

Exemple 2 :

a- Un associé souscrit des titres d’une société nouvelle le 3 janvier 2010.

b- Cette société réalise une croissance externe en 2011.

c – L’associé souscrit de nouveaux titres en 2015.

Dans cette hypothèse, si les autres conditions sont remplies, le contribuable pourra bénéficier de l’abattement renforcé de 85% en cas de cession des titres souscrits en 2010 à compter du 4 janvier 2018.

Concernant les titres acquis en 2015, si les titres en question ont bien été souscrits dans les dix ans de la création, ils ont été souscrits après que la société a réalisé une opération de reprise d’activité préexistante.

Si on se fie à la lettre de l’article 150-0 D 1 quater, les titres acquis en 2015 ne pourraient pas bénéficier de l’abattement renforcé, alors que si on se fie à la position de l’administration qui lui est en principe opposable, ce serait le cas.

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Un léger doute reste permis à ce stade sur l’opposabilité de cette doctrine à l’administration fiscale dans la mesure où elle n’a pas été intégrée à ce jour au BOFIP.

Néanmoins, il s’agit d’un élément favorable au contribuable et qui sera à prendre en compte en 2018 à l’heure du choix entre la « Flat tax » de 30% et le régime de l’abattement renforcé.